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Élections régionales dans le Grand Est : une élection illisible pour beaucoup d’électeurs ?

D’abord parce que les partis politiques traditionnels n’ont plus de convictions et n’expriment plus grand chose en termes d’idéologies. Ensuite parce que les candidats sont dans des contradictions tellement importantes que l’équation pour faire un choix n’est pas facile, hormis « à la tête du client » ou à des « présupposées compétences particulières ». Enfin parce que personne n’explique aux électeurs quelles sont les compétences de la région : à quoi ça sert ?

Les professions de foi parlent par exemple de sécurité mais c’est une compétence régalienne, de l’Etat. Cela ne relève aucunement – ou si peu – des pouvoirs d’une région.

Le taux d’abstention devrait être ravageur. Alors bien sûr, les politiciens nous diront : « vous aviez le choix ! ». Vraiment ? Peut-être celui d’aller se promener dans les Vosges ou celui d’aller voter, c’est vrai. Ne vous laissez pas gagner par le découragement : le sort de l’Alsace est en jeu. Le mieux est d’aller voter puis d’aller se promener, c’est notre avis en tout cas.

Aussi… faisons un tour de table des offres en présence.

élections  régionales 2021 en Grand Est: les affiches des listes candidates
élections régionales 2021 en Grand Est: les affiches des listes candidates



Le Rassemblement National prône le démantèlement de la Grande Région mais c’est un mouvement ultra nationaliste et jacobin. N’y aurait-il pas comme une contradiction volontairement électoraliste ? Ne nous prendrait-il pas pour des andouilles ? Le pilier de leur offre reste l’insécurité, en insistant sur la question des (faux) mineurs étrangers, question qui ne relève absolument pas de la région.

Les Républicains (LR) et leur annexe l’UDI ont organisé en d’autres temps des grandes manifestations et des pétitions contre la région Grand-Est. Maintenant qu’ils en sont à la tête, ils souhaitent évidemment ne rien changer, alors que leur mauvaise gestion est dénoncée par les économistes, les chercheurs et une partie de la presse. Grand Est fait partie « des mauvais élèves » disent TF1 ou le magazine Capital. Et surtout, les LR prétendent défendre l’Alsace alors que toute leur action ces dernières années à la tête du Grand Est est allée en sens contraire : effacement des régions historiques, construction d’une identité Grand Est.

Les deux listes régionalistes

Les indépendants, les centristes, la société civile se retrouvent sur la liste de Brigitte Klinkert prônant la gestion du Grand-est comme une holding, en laissant à chaque ex-région une large autonomie de décisions. Cette liste est conduite par Brigitte Klinkert, ministre en charge de l’insertion, une personnalité humaniste qui revendique son indépendance vis-à-vis des Marcheurs mais qui se dit « solidaire de l’action gouvernementale ». Mais du coup, est-ce apporter un soutien au gouvernement LREM et au Président de la République si je vote pour Brigitte Klinkert ? Elle assure que non. Et au moins son action pour créer la CeA autorise à ne pas douter de ses convictions pour l’Alsace.

Unser Land, le mouvement régionaliste est surtout représentatif en Alsace. En 2015, il avait eu la bonne idée de s’allier avec des écologistes indépendants dans les autres régions, pas cette fois. Ils ont donc constitué des listes 100 % Alsace partout y compris en Lorraine et Champagne-Ardenne. Mais comment gagner des voix et susciter un intérêt sur un périmètre aussi énorme que le Grand-Est si on ne s’adresse pas à tous les électeurs ? Comment atteindre les 5% de voix sur ce périmètre pour peser sur le second tour ? La stratégie de développement d’Unser Land ne semble pas très bonne. Il faut tout de même reconnaitre à Martin Meyer, qui se revendique comme un non-professionnel de la politique, et ses jeunes coéquipiers une authenticité, une fraicheur assez touchante.

La Gauche part divisée pour ces élections régionales

D’un côté la liste « Il est temps » d’Eliane Romani, une liste écolo-socialo-extrême-gauche qui apparaît totalement dogmatique, hors sol, ultra bobo et très politiquement correct: écologie et justice sociale, on se croirait déjà à la présidentielle. Un gloubilboulga d’idéologies contradictoires : des européens anti-européens, des auto-gestionnaires avec des gestionnaires. Les récentes affaires, les provocations et les controverses qui ont émaillé les villes dirigées par EELV ont de quoi nous rendre très dubitatifs… François Hollande, l’inventeur de la cacophonique réforme territoriale, soutient cette liste : un beau cadeau empoisonné par celui qui explique dans son livre que le Grand-Est est né sur un coin de table, avec une gomme et un crayon pour savoir où on allait mettre la Champagne-Ardenne.

De l’autre « l’Appel inédit » une liste socialo-radicale très bourgeoise et élitiste qui se félicite de la réforme territoriale et de la loi travail et qui se détourne volontairement de son électorat originel. Aurélie Filippetti, l’ancienne ministre de la Culture n’a plus la cote chez les ouvriers de Lorraine qui n’ont pas oublié, malgré les promesses du Parti Socialiste, que leurs hauts fourneaux ont fermé leurs portes. Elle garde pour elle d’avoir été une frondeuse au sein du PS, mais là encore ses colistiers s’affichent quasiment tous comme étant des jacobins ultra centralisateurs. Apparemment, ils ne semblent toujours pas vouloir se remettre en cause et faire leur autocritique sur leurs erreurs idéologiques et politiques du passé. Seule promesse dans ces élections régionales: la gratuité des transports… qu’on paiera donc autrement, par nos impôts.

Les Patriotes de Florian Philippot sont là aussi. Ils apparaissent davantage comme des personnes qui veulent survivre. Ils cherchent également à se venger de leurs anciens collègues du RN et cherchent la division à tout prix. Les propositions sont très nationalistes et nationales : Frexit et anti-restrictions Covid, deux sujets tout sauf régionaux. Querelleurs durant cette campagne des élections régionales, ils se sont montrés très critiques sur tout et tout le temps.

Lutte Ouvrière reste dans son carcan de lutte de classes anti-système: une candidature de témoignage, on pourrait même dire vintage.

Enfin, l’existence de la liste des « musulmans démocrates » marque surtout le développement du communautarisme dans nos quartiers et permettra au Rassemblement National de gagner encore quelques voix…

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