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Frédéric Gruet: l’écologie passe par une révolution territoriale

Alsacien d’adoption, haut fonctionnaire de profession et écrivain, Frédéric Gruet, 44 ans, est aussi un militant écologiste, coresponsable de la commission biodiversité chez les Verts (EELV). Et il s’engage maintenant pour l’Alsace au sein des associations Club Perspectives Alsaciennes (CPA) et Mouvement pour l’Alsace (MPA). Autoportrait d’un homme de convictions.

Frédéric Gruet université d'hiver Unser Land
Frédéric Gruet répondant à une question lors de l’université d’hiver d’Unser Land en janvier 2025

« Je suis né et ai grandi dans la campagne sarthoise. Mes grands-pères chassaient encore pour nourrir leur famille, en plus de leur travail à l’usine. Ma mère toilettait les chiens, mon père travaillait dans un bureau dans un office HLM. J’ai bénéficié de ce qui existait encore à l’époque, l’ascenseur social, en entrant à l’École polytechnique puis au Corps des Mines, entamant une carrière dans la fonction publique.

J’ai principalement travaillé au ministère des Finances, dans le domaine de l’énergie, ainsi qu’à la Cour des comptes. À l’époque, je me sentais très jacobin, car le grand roman national français nous enseignait le pouvoir de la centralisation. Toutefois, j’ai progressivement pris conscience des limites de ce système, notamment de son inefficacité et de la crise de confiance qu’il engendre.

En 2021, après un deuxième enfant, et mon épouse ayant trouvé un travail à Strasbourg, nous sommes arrivés en Alsace. Nous avons découvert une région incroyable dont nous sommes tombés amoureux, une région avec une riche histoire, une nature plus préservée qu’ailleurs et des services publics efficaces. Personnellement, j’ai l’impression que beaucoup d’Alsaciens ont le sens de l’intérêt général, ce qui est très important à mes yeux. C’est donc tout naturellement que je m’engage ici dans l’action associative avec le Centre de Perspectives Alsaciennes et le Mouvement pour l’Alsace dont je suis maintenant administrateur.

Frédéric Gruet : écologie, révolution territoriale et révolution économique

« Les trois piliers autour desquels s’articule ma réflexion politique : l’écologie, la révolution territoriale et une profonde réforme économique.

L’écologie est une question qui me tient particulièrement à cœur, car je désire tout simplement que mes enfants grandissent dans un monde plus agréable, moins pollué qu’aujourd’hui et à la nature préservée. Notre Terre est finie, ses ressources ne sont pas inépuisables. Il faut, selon moi, profondément revoir le mode de fonctionnement de nos sociétés. Croyant, je considère d’ailleurs que cet engagement s’inscrit dans la Foi. Chacun peut se référer au livre Le message écologique des Écritures saintes du père Michel Raquet, ou, plus simplement, à l’encyclique Laudato Si’ du pape François.

C’est pour cette raison que je me suis engagé au parti vert EELV où j’anime la commission sur la biodiversité et la nature. »

« Rien ne sera possible, en France, sans une véritable révolution territoriale »

Aujourd’hui, nous vivons une double crise : une crise démocratique et une crise d’efficacité. L’État français, trop lourd et bureaucratique sur bien des aspects, coule lentement depuis des décennies. La structure qui fonctionnait, ou du moins qui dissimulait ses insuffisances, lorsque l’argent des colonies affluait ou lorsqu’il fallait reconstruire après guerre, ne fonctionne plus.

Je dis souvent à mes camarades de gauche que la révolution territoriale devrait être le centre de notre pensée. En effet, même si la gauche parvenait au pouvoir aujourd’hui, nous ne pourrions pas faire grand-chose tant la machine étatique est déréglée et profondément irréformable sans une grande révolution territoriale. Tant l’éducation que la santé, par exemple, continueraient de se détériorer, et ce, peu importe l’identité, du ou de la ministre, en charge de l’Éducation nationale ou de la Santé.

Elinor Ostrom, première femme prix Nobel d’économie en 2009, nous a démontré que l’environnement était mieux préservé par des organisations territoriales à taille humaine que par des superstructures étatiques.

Il est cependant un domaine dans lequel l’État français reste indépassable : la solidarité. Il ne faudra jamais oublier, dans la réforme que nous allons mener ensemble, de préserver les liens de solidarité qui ont émergé dans le contexte de la nation française. Entreprendre une profonde réforme territoriale, c’est également les conserver, puisque les solidarités au sein d’une structure qui s’effondre deviennent forcément de moins en moins efficaces. Pour qu’elles le restent, il faut réformer ce pays. »

La question est maintenant : quelle révolution territoriale ?

« Sur le contenu, j’invite chacun et chacune à venir participer à l’élaboration d’un programme à ce sujet dans l’année qui vient. Sur le cadre institutionnel, les grandes régions ne sont pas différentes de l’État, et c’est particulièrement vrai pour le Grand Est. Beaucoup d’entre elles sont dénuées de sens, n’apportent aucun surcroît d’efficacité et sont amenées à lentement se détériorer. La taille n’a jamais été un critère de performance. Il en va de même pour les métropoles qui tracent des frontières fortes sans aucune logique. Le cas extrême se situe probablement dans les Bouches-du-Rhône : seules 29 des 119 communes du département, principalement Arles, ne font pas partie de la métropole Aix-Marseille.

Lors d’un débat sur l’Alsace, animé par La Fabrique de l’État au FEC, en décembre 2024, Benjamin Morel, un expert en droit et pourtant ardent critique du régionalisme, a admis que des changements majeurs étaient nécessaires dans la structure territoriale. Il rêvait de l’émergence de cadres territoriaux persistant sur une échelle de deux cents ans, à l’instar des départements, pour mettre un terme aux réformes incessantes et à l’accumulation de structures. On ne peut que le rejoindre.

Quelles pourraient être ces entités territoriales qui perdureraient pendant deux cents ans ? Je suis convaincu que l’on doit considérer à la fois l’écologie et la culture. Pour l’Alsace, la biorégion coïncide avec une zone culturelle homogène. Par conséquent, il n’y a guère de questions à se poser.

Économiquement, je pense qu’il faut libérer beaucoup d’énergie en France, notamment pour bâtir un monde de demain plus écologique.

Le secteur public comme le secteur privé ont un rôle fondamental à jouer. Pour le secteur privé, il s’agit bien évidemment de réorienter les nombreux investissements néfastes pour l’environnement et de remettre un peu plus de vision à long terme au sein de l’économie. Au niveau de l’action publique, une vaste réforme monétaire est nécessaire, afin de retrouver des marges de manœuvre dans le contexte d’une dette et de prélèvements obligatoires records. Les derniers travaux économiques montrent qu’une telle réforme est possible, même sans modification des traités européens.

Mais principalement, il faut libérer les énergies tant à l’échelle mondiale, européenne que française. S’il est sain qu’un entrepreneur puisse récolter les fruits de son travail et de sa créativité, la concentration actuelle du capital est à la fois injuste et inefficace. Elle ne permet pas rationnellement à un jeune diplômé sans capital, même motivé, dynamique et compétent, de donner le meilleur de lui-même. Nous gaspillons ainsi énormément d’énergie et de ressources humaines, ce qui entrave l’émergence de pensées et d’actions novatrices susceptibles d’apporter des solutions à la crise écologique et sociale.

Je ne vais pas m’étendre davantage sur ce sujet aujourd’hui, car ces arguments seront développés dans le livre que je vais publier le 12 juin prochain aux éditions Edisens. »

Frédéric Gruet, 13 janvier 2025

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