Vous en avez sûrement entendu parler : le 27 avril 2025, notre ex-Ministre et toujours Conseillère d’Alsace du canton de Colmar 2 Brigitte Klinkert a annoncé sur son compte Facebook être prête à assurer elle-même des cours d’allemand au collège Molière de Colmar faute de professeur attitré de l’Éducation nationale depuis 5 mois.

S’ensuit un gros buzz sur les réseaux sociaux et dans les médias, et du coup le rectorat annonce ce 29 avril 2025 avoir « déjà identifié » un professeur pour le poste pour le 5 mai! Bien joué, Madame la Ministre, voilà qui devrait de plus conforter votre image en vue des prochaines élections départementales en 2027.
L’Éducation nationale en panne de recrutement de profs d’allemand
Au-delà de ce coup de comm’, Brigitte Klinkert fait surtout des propositions plus larges comme le rapporte le site Ici Alsace de France Bleu : « Il y a un manque criant de professeurs d’allemand (…) il faudrait ouvrir les procédures habituelles de l’Éducation nationale à des stagiaires allemands, des étudiants en fin d’études qui viendraient passer une année en Alsace. C’est le travail de l’Académie d’adapter localement la réponse. »
Adapter localement la réponse ? Ouvrir les procédures ? Les règles et les syndicats de l’Éducation nationale le permettraient-ils actuellement ? Il est permis d’en douter (euphémisme…). Le centralisme français, monolithique et figé, est particulièrement fort dans ce ministère. C’est là le vrai problème et le principal frein au bilinguisme à l’école.
On a ici un bel exemple de cercle vicieux : pas beaucoup de candidats français pour être profs d’allemand ; rajoutons des contraintes budgétaires qui tendant plutôt à supprimer des postes qu’à en créer. Au total, l’offre de cours d’allemand est quantitativement et qualitativement insuffisante, contribuant au désintérêt des jeunes pour cette langue.
Une seule solution, la régionalisation !
La vraie solution passe non pas par un « bricolage » au niveau de l’Académie, mais par une vraie régionalisation de l’Éducation nationale, au moins sur ces sujets de bilinguisme français-allemand. La Collectivité européenne d’Alsace (CeA) a déjà compétence pour le bilinguisme d’après la loi de 2019… mais ne peut pas empiéter sur les prérogatives de l’Éducation nationale.
Il faut « cranter » un peu plus loin pour reprendre une expression chère à Brigitte Klinkert: l’État central délèguerait compétences et ressources sur ce sujet à la CeA qui fixerait ses objectifs en matière de bilinguisme, déterminerait le contenu exact de cet enseignement et pourrait recruter des enseignants comme elle le souhaite, y compris pour l’enseignement public. L’État central, à travers le Ministère de l’Éducation nationale, restera en charge des examens (bac, brevet) ce qui permettra de contrôler l’efficacité de la politique régionale : ou les élèves alsaciens auront un bon niveau en allemand, ou ils ne l’auront pas et la CeA devra corriger le tir…
Une telle évolution nécessiterait un texte législatif pour compléter la loi de 2019. Madame Klinkert, ne vous contentez pas d’un coup de comm’, l’Alsace toute entière a besoin que vous continuiez sur ce sujet. Pourquoi ne pas fédérer Députés et Sénateurs alsaciens sur une proposition de loi qui ferait de l’Alsace une vraie « terre d’expérimentation » pour le bilinguisme ?
Benoît Kuhn, Éditeur Alsace.News, 29 avril 2025