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Les 4 priorités d’une politique linguistique en Alsace

Depuis 30 ans, les déclarations de nos politiques en faveur du bilinguisme en Alsace se succèdent, et les problèmes du bilinguisme ne disparaissent pas, bien au contraire. Nous sommes maintenant à un point où presque aucun enfant ne parle l’alsacien et où même les jeunes adultes sont très majoritairement monolingues.

Pourquoi en est-on arrivés là ? Par manque de courage et de détermination politique. Les bonnes intentions sont sans effet si la mise en œuvre est déficiente. La Collectivité européenne d’Alsace (CeA), à qui la loi de 2019 donne compétence pour le bilinguisme en Alsace et qui a organisé des Assises du bilinguisme en 2022, doit prendre le taureau par les cornes et pousser fort dans 4 directions.

4 piliers pour le bilinguisme en Alsace

Faute de transmission familiale, l’école est devenue clé pour la sauvegarde et la transmission de l’alsacien. Or, plus tard on apprend, plus c’est difficile d’apprendre et moins on parle. Il faut exposer les enfants à l’alsacien le plus tôt possible.

Autre constat : l’Éducation nationale est un frein à une politique pour le bilinguisme en Alsace. Dans le meilleur des cas, elle suit les initiatives privées comme celles du réseau associatif d’écoles bilingues abcm avec des années de retard. Plus souvent, elle multiplie les obstacles à ces initiatives, qu’elles concernent le public ou le privé. La culture de l’Éducation nationale reste axée sur la promotion du français, et seulement le français. Dernier exemple en date de ce peu de considération de notre langue régionale : le recteur n’est resté que 20 minutes, « faute de temps », au dernier Conseil d’éducation sur la langue régionale en mai 2024.

La CeA doit donc engager ses moyens sur le développement d’écoles du type abcm. Mais il n’y a pas à l’heure actuelle assez d’enseignants pour ouvrir des écoles au niveau désiré et nécessaire (une dizaine par an).

La première priorité est par conséquent de CRÉER DE SUITE UN INSTITUT DE FORMATION À L’ENSEIGNEMENT BILINGUE, pour que professeurs et instituteurs se forment à ce domaine spécifique.

Deuxième priorité : OUVRIR DES CRÈCHES EN ALSACIEN en soutenant et finançant les initiatives locales telles celle de Neuwiller-lès-Saverne.

Troisième priorité : OUVRIR UN COLLÈGE BILINGUE de type abcm, où les élèves issus de l’enseignement primaire bilingue, qui ont souvent un bon niveau en allemand, puissent continuer à progresser au lieu de régresser comme dans les collèges existants où ils se retrouvent au milieu d’élèves de niveau bien inférieur.

Quatrième priorité : DÉVELOPPER UN ENVIRONNEMENT CULTUREL EN LANGUE RÉGIONALE HORS ÉCOLE pour valoriser les compétences linguistiques acquises par les enfants. C’est un vaste sujet, qui doit être impulsé par la CeA Auprès des collectivités territoriales. Celles-ci ont des budgets culturels conséquents, mais où la culture alsacienne est réduite à la portion congrue.

Un exemple en est le théâtre alsacien. Toujours populaire, celui-ci souffre d’un manque d’acteurs jeunes capables de jouer en alsacien. Il faut donc créer un centre de formation des acteurs en alsacien pour encourager les vocations. Et par ailleurs jumeler ces troupes avec une école bilingue voisine pour exposer les enfants au théâtre alsacien et susciter aussi de nouvelles vocations d’acteur ou même -on peut toujours rêver – d’auteur chez ces jeunes. Musique et chanson sont bien sûr d’autres vecteurs du bilinguisme en Alsace à utiliser.

Nuits théâtrales Marlenheim 2024
Nuits théâtrales de Marlenheim, juin 2024

On cite souvent en exemple le Pays basque français où le nombre de jeunes bascophones augmente. Inspirons-nous alors de leur politique linguistique. Leur Office public de la langue basque a été créé pour promouvoir la langue basque dans l’éducation. C’est un succès car actuellement 30% des élèves sont dans les écoles associatives bilingues de la fédération Seaska et un tiers fréquente les écoles privées confessionnelles faisant elles aussi une large place au basque. L’Éducation nationale est ainsi minoritaire et en émulation avec les autres écoles pour l’enseignement de la langue régionale.  

Jean-Marie Woehrling – juillet 2024
Jean-Marie Woehrling, juriste, est un spécialiste de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires et s’est beaucoup investi dans l’étude des politiques linguistiques. Il a participé au lancement des classes bilingues paritaires et a assuré la présidence de l’association Culture et bilinguisme d’Alsace et de Moselle – René Schickele Gesellschaft pendant une douzaine d’années.

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