Mayotte, Alsace, un monde de différences ? Oui, mais aussi des maux communs qui demandent un changement de statut pour ces deux territoires.
Comme beaucoup de Français, je n’ai jamais mis les pieds à Mayotte, île de l’archipel des Comores et « rescapée » de l’ancien Empire colonial dans l’Océan Indien. Bien sûr, les problèmes de ce territoire, qu’il s’agisse de questions économiques et sociales ou de l’immigration en provenance des Comores voisines, ont souvent fait les titres de l’actualité au cours des dernières années. Le cyclone ‘Chido’ (14 décembre 2024) s’est révélé dramatique, notamment en raison du nombre de victimes dans la population et de très importants dégâts causés aux infrastructures et à l’habitat. Tristes Tropiques ! L’État s’engage pleinement dans une reconstruction dont les coûts s’annoncent considérables voire pharamineux.

Un statut départemental inadapté à la réalité de Mayotte
Après l’indépendance de l’archipel des Comores (1975), Mayotte est restée un territoire « orphelin », la France ne sachant pas bien quel avenir lui proposer. Finalement, la « départementalisation » est intervenue en 2011, sur le modèle de la Réunion (malgré une histoire et une culture différentes). Cette solution n’en était pas une : le 101e département est souvent présenté comme « le plus pauvre de France », mais cette réalité statistique cache mal une situation post-coloniale (d’ailleurs dénoncée par l’ONU).
En tant que département, Mayotte a échoué ! La catastrophe météorologique a intensifié des difficultés déjà connues, mais qui n’ont pas empêché l’île d’attirer des dizaines de milliers d’immigrants. Cette pression démographique constitue aussi une « rente » pour de nombreux acteurs (associations, commerces, etc.) qui en tirent profit.
Au demeurant, les images montrent que le pouvoir décisionnel est aux mains des autorités administratives (Préfecture) nommées par Paris. Les élus mahorais présentent des revendications (surtout financières) pour exiger « l’égalité », sans avancer de propositions concrètes afin de donner à Mayotte une perspective de développement autonome. A l’évidence, le chantier n’est pas seulement une affaire de travaux publics, mais aussi d’institutions adaptées aux réalités locales. Ne faudrait-il pas traiter Mayotte comme la Corse ?
Comparaison avec l’Alsace
Si la France acceptait réellement le principe de différenciation, elle devrait reconnaitre à Mayotte la possibilité d’une législation spécifique. Le gouvernement prévoit une série d’ordonnances pour répondre à ce défi de la reconstruction de Mayotte, mais ces « remèdes d’urgence » ne résoudront pas la crise structurelle dans laquelle l’île s’est enfoncée depuis les années 80.
Il faut ici formuler un souhait : Mayotte ne doit pas suivre l’exemple de la Collectivité européenne d’Alsace (un département avec « plus » de compétences), mais réclamer un statut particulier conformément à l’article 72 de la Constitution… ce que l’Alsace demande également, quoique pas forcément avec les mêmes compétences, les situations étant différentes ;
Mais il faut affirmer que l’Alsace et Mayotte sont des espaces « périphériques » de la République, l’une au cœur de l’Europe rhénane, l’autre au carrefour de l’Afrique orientale et du monde arabo-musulman.
Au Parlement, le prochain débat sur la ‘loi Mayotte’ donnera l’occasion d’interroger le gouvernement, et tout particulièrement le ministre des Outremers, Manuel Valls (qui était Premier ministre lors de l’adoption de la loi NOTRe ayant supprimé la région Alsace) à propos de la sortie de l’Alsace de la Région Grand Est. N’en doutons pas, nos députés et sénateurs feront preuve d’audace pour argumenter en faveur de « l’égalité dans la diversité »…
Quant à la Collectivité européenne d’Alsace, elle s’honorerait en accordant à Mayotte une aide d’un million d’euros pour contribuer à son redressement.
Théo Leblé, janvier 2025
Fonctionnaire de métier, Théo Leblé sait faire oeuvre de diplomatie.