Maire de Haguenau, Claude Sturni n’a pas peur de suivre les traces de Philippe Richert et Jean Rottner et est devenu ce vendredi 13 janvier 2023 vice-président de la région Grand Est, malgré ses déclarations enflammées pour l’Alsace… en 2014.
Franck Leroy, maire d’Epernay, exerçait déjà par intérim la présidence de la région Grand Est après la démission surprise de Jean Rottner fin 2022. Il est sans problème devenu président titulaire ce vendredi 13 janvier 2023. Claude Sturni occupe une place de choix dans son équipe : avec rang de deuxième vice-président, en charge de l’économie, il a surtout pour mission de tenir en laisse l’Alsace et de la garder à l’intérieur de la méga-région Grand Est. Une « promesse » que Franck Leroy a affirmée avec force dès son discours d’investiture, fermant la porte à toute discussion avec Frédéric Bierry sur le sujet.
Claude Sturni, nouvelle incarnation du politicien alsacien qui se renie
« Ma région a été mariée de force à deux autres régions ; c’est pourquoi je souhaiterais voir inscrite dans les textes la possibilité de « défusionner », de divorcer en quelque sorte, d’une très grande région Est qui va aller du Bassin parisien jusqu’aux bords du Rhin, une région plus grande que la Belgique, que le Bade-Wurtemberg ou que la Suisse. Une telle taille est-elle bien raisonnable ? Il faut absolument que nous instaurions un mécanisme pour pouvoir ressortir de cette nouvelle région. En effet, je ne crois pas que le gigantisme conduise à des économies. »
« Nous voulons simplifier les institutions locales en créant une collectivité unique sur le fondement des compétences exercées actuellement par la région et les deux départements (…) »
« Je voudrais que l’on prévoie (…) de créer un droit à construire une nouvelle maison, au cas où une union forcée n’aurait pas produit de fruits. Concevons le droit d’option aussi comme une manière de donner à des départements qui ne se retrouveraient pas dans la région qui leur est imposée, mais qui n’auraient pas, comme dans le cas alsacien, la possibilité d’opter pour une autre, de reconstituer une région ». Après le refus du ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve : « Les Alsaciens sont donc bien les dindons de la farce ! »
Qui a fait ces déclarations claires, prémonitoires et en faveur de la région Alsace lors des débats parlementaires de juillet et novembre 2014 ? Philippe Richert ? Jean Rottner ? Oui, eux aussi ont tenu les mêmes propos à l’époque, mais là il s’agit de leur clone : Claude Sturni, alors député-maire de Haguenau. Resté maire de Haguenau, Claude Sturni a depuis lors lui-aussi vu la lumière, cad son propre intérêt : il est devenu pro-Grand Est tout comme son ami Laurent Furst, maire de Molsheim et lui-aussi ex-député. Elu conseiller régional de Grand Est, il est un fidèle de Jean Rottner et membre de la Commission permanente, là où se prennent réellement les décisions.
Même pas peur
Pas étonnant que Claude Sturni se soit prononcé contre la consultation citoyenne lancée par Frédéric Bierry début 2022. Il s’en voit récompensé à la faveur de la démission de Jean Rottner : Franck Leroy s’appuie sur lui comme chef de file des Alsaciens dans le groupe majoritaire au conseil régional et l’a fait logiquement élire vice-président en charge de l’économie de ce même conseil régional.
Pari risqué : le rejet de la méga-région pourrait éclabousser ce thuriféraire du Grand Est et abimer son image politique. Jusque-là confortablement réélu dans son fief de Haguenau, Claude Sturni va forcément indisposer une partie de son électorat avec cette mise en avant dans le cadre du Grand Est. Et ce maire va devoir encaisser les critiques (dont les nôtres) et les rappels incessants de sa trahison de l’Alsace, tout comme Philippe Richert et Jean Rottner en leur temps. Au moins ces derniers étaient présidents et pouvaient faire valoir leur influence à ce poste en se vantant d’oeuvrer pour l’Alsace. Ils ont néanmoins fini par craquer et démissionner en plein mandat pour abandonner la vie politique. Seulement vice-président, Claude Sturni juge qu’il peut s’en tirer mieux qu’eux.
Benoît Kuhn, 11 janvier 2023