Pas une, mais deux expositions à aller voir au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg (MAMCS).
Hommage à Raymond Émile Waydelich
Commençons par l’exposition qui se finit bientôt, le 19 janvier 2025. Pas très grande (une vingtaine d’œuvres), mais il s’agit de rendre hommage au « raconteur d’histoires » Raymond Waydelich qui nous a quittés ce mois d’août 2024. Né à Strasbourg en 1938, formé aux Arts Décos de Strasbourg, cet artiste multi-formats se découvrira des passions pour la Crète et ses œuvres antiques aussi bien que pour la vie de la couturière Lydia Jacob qu’il inventera à partir d’un cahier de croquis chiné en 1973.
Ses gravures regorgent d’animaux fantasmagoriques. Il n’en oublie pas pour autant l’Alsace : « Ohne Schmierwurscht rien ne va » sert de motto à plusieurs de ses créations, où le surréalisme fait place à la dérision.
Il marque aussi les esprits avec son Caveau du futur : Raymond Waydelich, « archéologue du futur » depuis 1978, crée une immense capsule temporelle composée de centaines d’objets du quotidien qu’il fait enterrer au pied de la cathédrale de Strasbourg en 1995. Date prévue d’ouverture du caveau : 3790 !
Un grand artiste, profondément original, et lui-aussi plus connu à l’international qu’en France.
Mode d’emploi… des oeuvres à protocole
Certains se souviennent peut-être des classes d’art à l’école où on leur demandait de faire de l’art conceptuel, cad d’imaginer et décrire une œuvre d’art au lieu de la produire. Le concept de telles « œuvres à protocole » : à partir d’instructions données (écrites, orales, dessinées), l’œuvre est matérialisée le temps de l’exposition… mais pas plus longtemps. Ce modèle de création est une nouvelle conception de l’œuvre d’art : elle est activée par une autre personne que l’artiste.
Avec « Mode d’emploi », jusqu’au 16 février 2025 au MAMCS, voici quelques intéressantes réalisations de telles « œuvres à protocole » des années 60 à nos jours. Le Centre Pompidou de Metz avait consacré une exposition aux dessins muraux de l’américain Sol Lewitt en 2012. Son Wall Drawing #446 (1981) composé de figures simples accompagne ici Toutes les façons de fermer une boîte en carton (1989) de son disciple français Claude Closky :
Dans une autre salle, le français Michel Blazy et l’américaine Alice Aycock jouent avec la nature, respectivement en couvrant le mur de colorant alimentaire agar-agar et en le laissant évoluer et sécher, ou en « recréant » le désert de la Death Valley avec des panneaux de boue qui sèche et craquèle :
« Mode d’emploi » ne plaira pas à tous, mais pour ceux prêts à se laisser challenger dans leur conception de l’art, cela vaut le détour.
Benoît Kuhn, octobre 2024
Photos: DR Alsace.News