élections régionales 2021

Accueil 9 Politique 9 Premier tour des élections régionales 2021 en Alsace : les sortants profitent, les régionalistes patinent
Premier tour des élections régionales 2021 en Alsace : les sortants profitent, les régionalistes patinent

Face aux élus sortants qui nourrissent et profitent de l’écoeurement démocratique des citoyens, les stratégies des listes régionalistes sont-elles adaptées ?

Les deux tiers des électeurs français ont boudé ces élections régionales, et même un peu plus (71%) en Alsace et Grand Est. On a tout dit pour expliquer ce désintérêt : élections peu lisibles, sortie de Covid, etc. La principale cause, qui ne date pas d’hier, est plus profonde : les électeurs ne se retrouvent pas/plus dans l’offre politique traditionnelle.

A qui profite l’abstention ? Aux partis nationaux traditionnels LR et PS

Comme le détaille France Inter aujourd’hui pour ce premier tour des élections régionales, seuls les plus de 70 ans ont un taux de participation supérieur à 50% ; ce taux de participation tombe à 25% pour les catégories populaires (employés et ouvriers) et à moins de 20% pour les 18-34 ans. C’est pain béni pour les sortants LR et PS qui rassurent ces vieux qui ont peur du changement. Ces partis moribonds au plan national, qui n’ont même plus de programme au-delà de slogans convenus, survivent ainsi grâce à leurs barons régionaux. Lesquels rivalisent déjà dans les médias en vue de 2022 : les élections régionales sont devenues une préparation à l’élection présidentielle, comme le Critérium du Dauphiné l’est pour le Tour de France en cyclisme. Cette perversion du système n’échappe pas aux électeurs qui se désintéressent massivement de ce « cirque électoral ». Ils attendront la « vraie » élection de 2022… ou iront manifester dans la rue à la première occasion, ce qui reste en France le moyen plus efficace pour se faire entendre.

Facteur aggravant dans les régions comme Grand Est : la grande région dilue la politique locale dans la politique nationale. Jean Rottner réalise ses meilleurs scores dans les Ardennes (42%), dans les Vosges (37%), dans l’Aube (36%), lieux où il n’a pas dû passer plus de quelques heures dans sa vie, et réalise son plus mauvais score (25,7%) chez lui dans le Haut-Rhin où Brigitte Klinkert fait presque jeu égal avec lui (24,4%). Jean Rottner, élu « ancré dans son territoire » ? Encore une victoire de la propagande…

élections régionales 2021: les listes en présence, Jean Rottner, Brigitte Klinkert, Unser Land
élections régionales 2021: les listes en présence, Jean Rottner, Brigitte Klinkert, Unser Land, etc.

Les régionalistes en (relative) bonne position en CeA

Dans la CeA entière, Jean Rottner récolte 97 831 votes (27,10%) alors que les régionalistes cumulent 102 960 votes (28,5%) en additionnant les voix de la liste de Brigitte Klinkert (69 122) et d’Unser Land (33 838). Clairement le président sortant Jean Rottner ne peut prétendre avoir mandat pour continuer à dissoudre l’Alsace dans le Grand Est. Mais les régionalistes auraient pu et dû mieux faire !

Liste Brigitte Klinkert et LREM : le bricolage

Emmanuel Macron l’apprend à ses dépens dans ces élections : tous les sortants ne sont pas aussi malhabiles que François Hollande. Jean Rottner a su user de la carotte et du bâton pour rallier un maximum d’élus à son soutien, parfois même contre leur gré. En Alsace pour se défendre face aux régionalistes, dans le reste du Grand Est pour maximiser son score. Pour le contrer, il eut fallu travailler ces élus au corps depuis un an, ce qui n’a visiblement pas été fait. Brigitte Klinkert n’a lancé sa candidature que six semaines avant le scrutin, et avec peu de soutiens : un peu tard pour influer sur les évènements et expliquer hors d’Alsace ses qualités propres et les bienfaits de son « choc de décentralisation ». Au résultat, et malgré son dynamisme, 116 000 voix sur le Grand Est, cad un score faible en-dehors d’Alsace et qui ne laissera que quelques sièges à la liste Brigitte Klinkert au Conseil régional. La tortue Jean Rottner ne s’est pas laissée dépasser par le lièvre Brigitte Klinkert…

Unser Land : une stratégie à revoir

Martin Meyer, secrétaire général d’Unser Land et tête de liste pour ces régionales, s’est vaillamment battu. Mais le score n’est pas à la hauteur des attentes sur le périmètre Grand Est : 39 567 voix (3,7% des suffrages), cad à peine 6 000 voix hors d’Alsace et deux fois moins qu’en 2015 (84 185 voix, soit 4,7%). Deux raisons à cela : un « splendide isolement » d’Unser Land qui n’a pas su inclure de candidats non-alsaciens, même en Moselle, contrairement à 2015. Et plus gênant : un programme qui ne traite que de la question institutionnelle (sortir du Grand Est) et pas du tout des questions concrètes du ressort de la région. Trains, lycées, développement économique, etc. semblent absents des préoccupations d’Unser Land. C’est laisser à la liste Jean Rottner le créneau de l’efficacité et du pragmatisme, valeurs auxquelles les électeurs sont très sensibles, particulièrement en Alsace.

Pourquoi dépenser tant d’énergie et d’argent quand on sait à l’avance qu’on n’aura pas d’élus ? Et atteindre un score final aussi peu flatteur ? Il eut mieux valu se concentrer sur les élections départementales et donner plus de moyens et de visibilité aux candidats, particulièrement à la jeune génération qui faisait ses premiers combats sur le terrain.

Réenchanter les élections régionales

Est-ce irréaliste ? Rêvons un peu devant la situation corse. Les Corses ont une offre politique riche, avec plusieurs listes autonomistes ou indépendantistes en plus des listes des partis nationaux. Résultat, la meilleure participation de France pour ces élections régionales: 57%, presque deux fois la moyenne nationale, et mieux qu’en 2017. Et les partis nationaux cumulent 43% des voix, les listes autonomistes ou nationalistes prenant le reste, soit 57% ! Là on peut parler de démocratie et de représentativité des résultats.

Benoît Kuhn, 21 juin 2021

Articles liés

Décentralisation : se faire entendre du Président
Décentralisation

Décentralisation : se faire entendre du Président

Faut-il se contenter d’en appeler à la raison et à l’intérêt bien compris des partis au pouvoir à Paris ? Faut-il (continuer à) ne pas faire de vagues pour ne pas être « mal vus » de l’Elysée et de ses conseillers tout puissants ?

Quelles régions, pour quelle Europe ?
Débat

Quelles régions, pour quelle Europe ?

Les députés Laurent Jacobelli (RN), Sandra Regol (EELV) et Raphaël Schellenberger (LR) ont échangé le jeudi 9 novembre dans le cadre d’un débat organisé au FEC à Strasbourg

Share This