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Quelles régions, pour quelle Europe ?

Les députés Laurent Jacobelli (RN), Sandra Regol (EELV) et Raphaël Schellenberger (LR) ont échangé le jeudi 9 novembre 2023 dans le cadre d’un débat organisé par le Club Perspectives Alsaciennes (CPA) et l’Association de Prospective Rhénane (APR). Plus d’une centaine de personnes se sont rendues au FEC à Strasbourg pour écouter et interpeler les protagonistes.

Animé avec brio par le journaliste Eric Vial, le débat a commencé par une présentation du thème de dix minutes pour chaque député, dans un état d’esprit « Stammtisch » parfaitement respecté.

Débat FEC Sandra Regol Eric Vial Laurent Jacobelli Raphaël Schnellenberger
Débat au FEC à Strasbourg avec de gauche à droite les députés Sandra Regol, Laurent Jacobelli et Raphaël Schnellenberger.
Eric Vial (au centre en écharpe) animait le débat -photo: DR Alsace News

Sandra Regol, Laurent Jacobelli et Raphaël Schellenberger sur les liens entre régions et Europe

Sandra Regol a présenté la vision des écologistes, rappelant qu’EELV est un parti allié à des formations régionalistes (notamment Régions et Peuples Solidaires, fédération des partis régionalistes de France dont Unser Land est membre). Les écologistes portent ainsi la voix des régions au cœur de l’Europe, qui est un outil à la fois fédéral et régional. L’Union européenne reconnait les régions à travers des institutions comme le Comité des régions ou l’Assemblée des régions. Même si elles n’ont pas de réels pouvoirs, cela montre que les régions sont une réalité humaine qu’il faut prendre en compte. Ce sont des bassins de vie qui représentent des peuples, dont il est important de reconnaitre les langues. EELV est ainsi le seul parti français fondamentalement attaché au fédéralisme.

Pour Laurent Jacobelli, défavorable à une Europe des régions, les institutions européennes doivent être revues car elles dysfonctionnent. Et il voit là un parallèle avec les défauts de la décentralisation en France. L’Union européenne agit avec la France comme la France agit avec ses régions, en superposant une mégastructure au-dessus des structures existantes. Or, jamais une organisation ne doit prendre le pas sur la volonté des peuples. Également conseiller régional, Laurent Jacobelli estime qu’avec le Grand Est, on fabrique quelque chose à partir de rien, sans prendre en compte les spécificités des anciennes régions. L’Alsace doit redevenir une région, car c’est la culture et l’histoire qui doivent primer et non pas l’administration. Plus généralement, il propose des « régions fortes », qui en dehors des domaines régaliens, « puissent avoir un certain champ d’autonomie » (mais dans un Etat fort et stratège).

Pour Raphaël Schellenberger, le premier critère dans l’organisation des pouvoirs est la démocratie, dont les quatre échelons sont la commune, l’Alsace, la nation, et l’Europe. Représentant la civilisation occidentale, L’Europe pourrait évoluer dans un sens plus fédéral, mais pas tout de suite car il n’existe pas encore une identification suffisante des populations. La base des libertés locales est en effet l’identification aux territoires et à ses représentants, car elle entraine la capacité à mobiliser les gens sur les problèmes à résoudre. Un autre critère important est l’efficacité de l’action, ce qui nécessite de définir le bon périmètre d’action. Les institutions doivent évoluer et s’adapter aux réalités, ce qui justifie la remise en cause du Grand Est et le retour à une région Alsace. Il plaide également pour le rétablissement de la clause générale de compétence.
ndlr : la clause générale de compétence veut dire qu’une collectivité peut se saisir de tout sujet qui présente un intérêt local et qui n’est pas déjà dans les compétences d’une autre collectivité. La loi NOTRe de 2015 a supprimé cette clause pour les départements et régions, seules les communes l’ont gardée.

Questions-réponses avec le public

Diverses questions ont été ensuite posées, dont voici un résumé:

Sur le manque de visibilité du débat sur les régions en France.

Sandra Regol met cela sur le compte de l’esprit jacobin en France, qui nie le patrimoine des régions. On se sert de l’identité française comme un paravent, pour ne pas voir la diversité des langues et des cultures. Raphaël Schellenberger estime qu’on discute seulement des buts, mais pas du chemin pour y parvenir (les institutions). Il considère que le rôle noble du politique est d’anticiper et d’accompagner le mouvement, ce qui nécessite de faire évoluer les institutions. Laurent Jacobelli estime que le débat est tout de même vivant, car beaucoup de gens posent des questions sur les problèmes posés par le Grand Est (fermetures de lignes de trains, de lycées, etc.).

Sur la sortie de l’Alsace du Grand Est

Sandra Regol estime qu’il faut sanctifier l’Alsace comme une culture ou un peuple. Cela peut se faire éventuellement dans le Grand Est, tant que la personnalité alsacienne continue de s’exprimer. Raphaël Schellenberg et Laurent Jacobelli ne partagent pas ce point de vue. Pour ce dernier, on ne peut pas mettre des ronds dans des carrés. L’administratif doit correspondre à l’Alsace, qui ne peut pas exister dans le Grand Est.

Sur la politique régionale de l’Union européenne

Pour Sandra Regol et Raphaël Schellenberger, cette politique est essentielle car elle vise à réduire les inégalités de développement entre les régions. Pour l’élue écologiste, l’argent des fonds européens est d’autant plus nécessaire que l’Etat français ne le donnerait pas aux régions. Laurent Jacobelli s’y oppose, estimant que les transferts peuvent se faire plus efficacement via la politique nationale. La France est financièrement perdante car contributrice nette.

ndlr : interpelé sur les convictions européennes du RN, Laurent Jacobelli a ensuite répondu avec netteté : « Voulons-nous sortir de l’Union européenne ? Non ! Voulons-nous réformer son fonctionnement et ne pas laisser une Commission non élue décider ? Oui ! Voulons-nous sortir de l’euro ? Non ! »

Soutien aux langues régionales

Les trois députés estiment qu’il faut renforcer leur enseignement. Interpelé spécialement sur l’ambiguïté de son parti à ce sujet (ndlr: votes négatifs à l’Assemblée sur cs questions), Laurent Jacobelli affirme qu’il s’agit d’un malentendu et que son parti s’est exprimé favorablement au soutien des langues régionales.

Jean-Philippe Atzenhoffzer, 13 novembre 2023
Jean-Philippe Atzenhoffzer
est Docteur en sciences économiques, enseignant, auteur du livre Le Grand Est, une aberration économique (2021)

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