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Région Alsace : un potentiel d’économies de 100M€ par an

Une région Alsace hors du Grand Est et fusionnée avec la Collectivité européenne d’Alsace permettrait d’économiser 100 millions d’euros par an a calculé l’économiste Jean-Philippe Atzenhoffer.

La fusion des régions opérée en 2016 avait pour justification officielle de contribuer au redressement des comptes publics, avec une promesse d’économie  de 25 milliards d’euros ! Depuis, diverses études – y compris celles de la Cour des comptes – ont conclu à l’échec de cette réforme, laquelle a conduit à des surcoûts importants de fonctionnement à la place d’économies.

L’économiste Jean-Philippe Atzenhoffer avait détaillé dès 2021 ces surcoûts et dysfonctionnements dans son livre Le Grand Est, une aberration économique. Il a maintenant étudié et calculé les économies qu’on pourrait faire en Alsace avec une Collectivité européenne d’Alsace (CeA) qui reprendrait aussi les compétences de la région exercées actuellement par le Grand Est. Jean-Philippe Atzenhoffer a considéré dans ces calculs qu’on répartissait les budgets communs au prorata des populations, l’Alsace représentant 2,9% de la population nationale et 36% de la population du Grand Est.

Nous vous présentons ci-dessous une synthèse de ces travaux.

Collectivité d’Alsace, quelles perspectives d’économies ? par Jean-Philippe Atzenhoffer

En fusionnant les niveaux régional et départemental au sein d’une Collectivité d’Alsace unique, on pourrait réduire les charges administratives  générales, tout en améliorant la qualité des services publics. Les économies seraient proches des 100 millions d’euros par an. Les fruits de cette simplification administrative seraient répartis entre la  Collectivité d’Alsace unique et les autres acteurs que sont les Communes, l’État et les acteurs privés interagissant avec les collectivités.

Économies sur l’assemblée délibérante : 7,1 M€

Au lieu d’avoir des élus départementaux (CeA) et régionaux, il n’existerait plus qu’une assemblée délibérante avec des Conseillers d’Alsace. Si l’on passait à un format de 80 élus pour la nouvelle collectivité (identique à celui de la CeA), cela représenterait une diminution de 61 élus (nombre d’élus alsaciens à la Région Grand Est).

Les indemnités des 169 élus à la Région Grand Est s’élèvent à 6 M€, et les autres charges à 3,5 M€ (cotisations sociales, déplacements, etc.)7. Rapporté aux 61 élus alsaciens, le montant est de 3,4 M€.

La réduction du nombre d’élus entraine mécaniquement une baisse des frais de fonctionnement des groupes politiques, soit une économie additionnelle de 3,2M€.

Suppression du doublon CESER/CODEV Alsace : 1,3 M€

La Région Grand Est et la CeA possèdent chacune une instance citoyenne chargée de conseiller la collectivité sur ses politiques. Ce double-emploi justifierait la suppression de l’une des deux. L’hypothèse retenue ici est la conservation du CODEV Alsace et la suppression de la part alsacienne du CESER Grand Est.

Le budget du CESER comprend principalement les indemnités (3 M€), auxquelles s’ajoutent des frais de déplacement (0,25M€). Ajustée à l’échelle alsacienne, l’économie s’élève à peu plus d’un million d’euros, sans compter les frais fixes indirects (locaux, agents dédiés).

Charges d’administration générale : 19,3 M€

Ces économies proviennent principalement d’une réduction du nombre de postes, notamment dans les fonctions de direction (catégorie A). Elles concerneraient divers services situés au siège de Strasbourg comme le cabinet, la direction financière, la communication, etc.

De plus, la Région Grand Est a créé quatre « Maisons de la Région » en Alsace, dont chacune dispose d’un service administratif et financier propre. Des regroupements sont envisageables avec les antennes dont la CeA dispose déjà dans les mêmes villes.

En dehors de l’administration générale, des économies de postes de direction sont également possibles dans quatre compétences qui se recoupent : éducation, territoire, sport et culture.

Au total, une réduction de 200 postes est plausible, essentiellement en catégorie A. L’économie par poste, estimée à 90 000 € par an, est composée comme suit :

– Rémunération brute par ETP (employé temps plein) catégorie A : 50 000 €

– Charges employeur : 20 000 €

– Cout immobilier par salarié : 14 000 €

– Frais d’équipement : 6 000 €.                                                                                                                                        

L’économie potentielle représente donc 18 M€.

S’y ajoute – à la Région Grand Est – une baisse des frais de déplacement et de mission (0,36 M€) ainsi que des charges liées à la gestion du parc automobile (0,35 M€), selon l’hypothèse d’une réduction de moitié de la part alsacienne de ces dépenses régionales et d’un budget correspondant inchangé à la CeA.

Suppression du double scrutin : 1,2 M€

Une Collectivité unique ne nécessiterait plus qu’un seul scrutin électoral au lieu de deux.

L’organisation des élections régionales et départementales 2021 a couté 322,4 M€, majoritairement le remboursement des comptes de campagne des candidats. D’autres frais concernent le matériel ainsi que les frais de personnel de mairie.

Rapporté à l’échelle alsacienne, la suppression d’un scrutin représente une économie de 4,7 M€. La prise en compte du cout implicite du temps de bénévolat pour les assesseurs représenterait aussi l’équivalent de 0,77 M€ (en économisant trois assesseurs en moyenne par bureau de vote à 15€/heure, multiplié par les 1700 bureaux de vote en Alsace).

L’élection ayant lieu tous les cinq ans, le montant annualisé d’économie d’argent public serait d’un million d’euros annuel, voire légèrement supérieur avec le coût implicite du bénévolat.

Économies de communication : 7,7 M€

La Région Grand Est a dépensé officiellement 13,4 M€ en communication en 2023 : publicités, expositions, publications, etc. Au-delà des lignes comptables spécifiquement dédiées, certaines dépenses de communication sont dissimulées dans d’autres rubriques comptables (ex. : une « péniche Grand Est » dans le budget culture). La Chambre régionale des comptes a établi que, pour la Région AURA, la dépense en communication atteint en réalité 1,52 fois le budget comptable en 2023. En appliquant ce ratio à la Région Grand Est, la dépense réelle serait de l’ordre de 20 M€.

Ces dépenses doublonnent avec celles de la CEA. Par exemple, au lieu que chaque collectivité envoie son propre magazine dans les boites aux lettres, un seul suffirait. Idem avec d’autres postes de communication, d’autant plus que le montant élevé dépensé par la Région Grand Est s’explique par la volonté affichée dans les documents stratégiques de la Région Grand Est de créer une « identité du Grand Est ». Cet objectif devenant caduc, les dépenses de communication peuvent être fortement réduites.

En supposant que la Collectivité d’Alsace se contenterait de reproduire le niveau de dépenses de la CeA, l’économie serait de 7,7 M€.

Synergies tourisme : 4,1 M€

Le budget régional consacré au tourisme s’élève à 23 M€.

La Collectivité unique rationaliserait les structures existantes en supprimant le doublon entre l’Agence départementale du tourisme et l’Agence régionale du tourisme, cette dernière bénéficiant d’une subvention de 6,5 M€.

En plus des doublons sur les charges d’administration des services et des agences, certaines interventions régionales pourraient être supprimées dans leur volet alsacien. L’objectif touristique en Alsace étant désormais de mieux répartir les flux plutôt que d’en générer de nouveaux, la plateforme Explore Grand Est n’a par exemple plus de raison d’être.

Avec une économie de 50 % sur la part alsacienne du budget régional, sans toucher aux moyens actuels de la CeA, on obtiendrait une économie d’environ 4 M€.

Synergies de gestion (enchevêtrement/financements croisés) : 57,8 M€

L’essentiel de ces économies de 57,8M€ concernerait les communes qui gagneraient du temps en simplifiant leurs recherches de financement et leurs négociations avec les deux échelons région et département.

Il s’agit de la source d’économie la plus importante. Le rapport Ravignon (mai 2024), établi à la demande du Ministère des Finances, a souligné « l’enchevêtrement des compétences en France : rares sont les politiques publiques décentralisées dont les compétences nécessaires à leur mise en oeuvre ne soient pas distribuées entre plusieurs niveaux d’administration et l’Etat, ce qui engendre des coûts de coordination considérables ».

A l’échelle de la France, «  La mission a ainsi pu évaluer le coût de l’enchevêtrement des responsabilités, des compétences et des financements à une somme d’au moins 7,5 milliards € supportés par l’ensemble des acteurs publics : 6 Md€ pour les collectivités (5,5 Md€ pour le seul bloc communal) et 1,5 Md€ pour l’Etat. Le périmètre des travaux de la mission n’intégrant pas les opérateurs de l’Etat, ce chiffre doit être considéré comme un minorant du coût total de la coordination. Les politiques faisant apparaitre les coûts les plus élevés sont l’enseignement scolaire (1,2 Md€), l’urbanisme (820 M€), la gestion des voiries (566 M€) ou encore l’action sociale et médico-sociale (418 M€). » (Rapport Ravignon, synthèse)

En France, il y a 4 financeurs publics potentiels sur un projet : l’État, la Région, le Département, la Commune. Passer de 4 à 3 financeurs potentiels réduit drastiquement le nombre de combinaisons entre ces financeurs (de 11 à 4), certaines disparaissant entièrement (Département-Région). Une telle simplification éviterait le double traitement par les niveaux départementaux et régionaux des demandes de subventions.

A ces économies d’argent public s’ajoute le gain pour les structures privées (culturelles, sportives, etc.), aujourd’hui contraintes de déposer des demandes de subventions en doublon.

En appliquant le ratio de 2,9% (poids de l’Alsace dans la France) aux 7,5 milliards d’euros et en supposant que la suppression d’une strate permet d’économiser un quart de ce surcout, l’économie serait de 53,7 M€. En ajoutant 5% à ce total pour prendre en compte le temps perdu par les acteurs privés – une hypothèse prudente – le total actualisé atteint 57,8 M€.

Ce montant pourrait être encore plus élevé si l’État réorganisait ses services déconcentrés à l’échelle de l’Alsace, regroupant également ses échelons déconcentrés départementaux et régionaux.

Économies supplémentaires non comptabilisées ici faute de données précises

– Suppression d’un siège : conserver deux hémicycles à Strasbourg ne serait plus nécessaire. Un inventaire immobilier sera nécessaire pour définir s’il est possible de libérer un siège, et à quelle échéance. Ce seul poste représenterait une économie annuelle de quelques millions d’euros.

– Réduction des doublons de cogestion des opérateurs publics : ADIRA, Ecomusée, aéroport Strasbourg Entzheim, etc.

– Rationalisation des compétences partagées avec l’Etat (si transferts de compétences) : cogestion ARS/CeA pour les EHPAD, etc.

– Réduction des déplacements pour divers organismes (ligues et clubs sportifs, chambres consulaires, etc.) dont les comptes se sont dégradés à la suite de la fusion des régions.

Ces sources d’économies pourraient également atteindre quelques millions d’euros annuels.

Enfin, les estimations effectuées dans cette étude n’incluent pas les bénéfices non monétaires attendus, comme une meilleure efficacité des politiques publiques (adaptées à la situation frontalière avec l’Allemagne et la Suisse par exemple). Bien qu’elle ne rentre pas dans le cadre de cette étude, cette partie non visible de l’iceberg offre des perspectives prometteuses d’efficience économique.

Jean-Philippe Atzenhoffer, docteur en économie et professeur à l’Unistra et la CCI d’Alsace

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