Eurométropole de Strasbourg

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Strasbourg métropole, Strasbourg capitale hors-sol

A quoi joue la municipalité de Strasbourg ? Alors que les signes de déclassement de la ville se multiplient, voilà que la maire Jeanne Barseghian et son premier adjoint parlent de sortir la métropole de Strasbourg de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA).

« Je ne suis pas opposée à une sortie de la CeA, ce serait intéressant de récupérer, dans le cadre d’une réforme institutionnelle en 2024, des compétences départementales, comme Lyon (…) Je ne plaide pas pour une sortie du Grand Est » a déclaré Jeanne Barseghian le 29 juin 2023 au micro de BFM Alsace moins d’une semaine après des déclarations similaires de son premier adjoint Syamak Agha Babaei, lui-aussi vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg. Certes, la présidente Pia Imbs a exprimé son désaccord là-dessus, et à l’intérieur de la majorité municipale le mouvement Alternative alsacienne de Jonathan Herry lance un « appel à la raison », mais nous avons clairement affaire à un « ballon d’essai » lancé par la municipalité de Strasbourg.

Strasbourg métropole mairie batiment

L’idée est d’acter institutionnellement la séparation déjà présente sur les plans sociologique et politique : la métropole de Strasbourg est dominée par les écologistes et la Nupes et se concentre sur son agenda écologique (éliminer la voiture malgré l’opposition des commerçants et artisans)  et « politiquement correct » » (migrants, etc.) ; le reste de l’Alsace reste centriste (avec une forte poussée du RN) et plus attachée à son identité régionale et aux réalités économiques.

Strasbourg métropole comme Lyon

En pleines émeutes à domicile, Jeanne Barseghian et Syamak Agha Babaei trouvent le temps d’ouvrir un nouveau front, institutionnel celui-là. Il s’agit de faire comme Lyon sous Gérard Collomb en 2015 : devenir officiellement une métropole, cad une collectivité à statut particulier regroupant les compétences de la commune et celles du département. Et donc le département autour, la CeA, serait amputé de sa métropole pour ne garder que les territoires périurbains et ruraux comme le présent département du Rhône. Plus bien sûr les autres villes: Mulhouse, Colmar, Haguenau, etc. Le retour au bon vieux temps du Saint-Empire en quelque sorte, où la Décapole structurait l’Alsace et où Strasbourg faisait bande à part. On ne savait pas Jeanne Barseghian et Syamak Agha Babaei si friands de notre glorieux passé germanique…

N’est cependant pas Lyon qui veut. Là-bas, la métropole compte 1,4 million d’habitants, un peu plus que la région-capitale de Bruxelles avec 1,2 million; la métropole de Strasbourg 0,5 million : on ne joue pas dans la même ligue… La prétention de Strasbourg à se prétendre métropole à statut particulier avec aussi peu d’habitants prête même à sourire.

Certains comme le centraliste Benjamin Morel y verront la confirmation de leurs propos : la tentation de séparatisme à tous les étages du mille-feuilles administratif français. D’autres y verront la nécessité d’un statu quo institutionnel pour « éviter la contagion » du dit séparatisme: à croire que Jeanne Barseghian « roule » pour Franck Leroy, président du Grand Est, avec qui elle dit bien s’entendre, alors que les relations sont notoirement exécrables avec Frédéric Bierry.

Strasbourg capitale croupion

Strasbourg se gargarise de son statut de triple capitale : européenne, grandestienne, alsacienne. Les souhaits de la municipalité montrent le peu de cas qu’elle fait de l’Alsace. Pourtant la réalité bat en brèche les prétentions de la métropole de Strasbourg à être capitale d‘autre chose : l’association Initiative Citoyenne Alsacienne de Pierre Klein a dénombré près de cent centres de décision (administrations, associations professionnelles, ligues sportives, etc.) qui ont quitté Strasbourg depuis 2015 en faveur de Metz ou Nancy, parfois même Chalons ou Reims. Merci le Grand Est.

Dernier exemple de ce déclassement : la ligne TGV Paris-Berlin ne passera pas par Strasbourg malgré le « souhait » du gouvernement français. Cela montre bien, outre la faiblesse du soutien officiel français, le pragmatisme allemand pour qui la « vocation européenne » de Strasbourg compte peu. Les eurodéputés écologistes eux-mêmes souhaitent ne siéger qu’à Bruxelles. Malgré les déclarations officielles, plus personne ne croit à l’avenir européen de l’ « Eurométropole de Strasbourg » même si aucun gouvernement français ne veut être celui qui actera le basculement définitif sur Bruxelles. On apprend même en cette fin juillet qu’il a fallu, outre les pressions politiques, brader le loyer du nouveau bâtiment administratif Osmose (47 euros par an le m2, cinq fois moins cher qu’un loyer normal au Wacken!) pour que le Parlement européen daigne l’utiliser…

Tout cela a une logique. Depuis 40 ans, nos politiques choisissent de « ne pas faire de vagues » (les moins jeunes se rappelleront l’affaire du synchrotron en 1984 où Grenoble a été préférée à Strasbourg en dernière ligne droite), de toujours attendre le bon vouloir de Paris, d’avoir des affinités nationales et jamais régionales et donc de ne jamais « chasser en meute » pour nos intérêts locaux et régionaux. Les résultats sont là : après avoir coulé l’Alsace dans la dernière décennie, on va ramener la métropole Strasbourg à son vrai statut, celui de préfecture de province. Ou plutôt préfecture d’elle-même si Jeanne Barseghian et Syamak Agha Babaei voient leurs vœux exaucés.

Benoît Kuhn, 2 juillet 2023, mise à jour 20 juillet 2023

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