Franck Leroy, Président de la grande Région Grand Est, nous a gratifié de son expertise économique lors du Congrès des Régions de France qui s’est déroulée à Strasbourg les 25 et 26 septembre 2024. Constatant qu’avec une taille critique, « on est plus visible et plus écouté par les investisseurs étrangers », il estime que « revenir vers les petites régions, c’est s’affaiblir » (DNA du 25/09/2024).
Grande région : big is beautiful
Voilà une analyse quasi-irréfutable. En effet, c’est sans doute en raison de sa taille incommensurable que le Luxembourg est devenu le pays le plus riche de l’Union européenne. Ce pays est si étendu qu’on se demande bien comment il fait pour ne fonctionner que sur un seul fuseau horaire. De même, les Alsaciens qui travaillent en Suisse pour y faire fortune s’aperçoivent immédiatement que l’opulence du canton de Bâle-ville provient de l’immensité de son territoire (37 km² !).
Quand Monsieur Leroy explique que plus une région est grande, et plus elle est efficace, performante, on en vient à se dire que la Région Grand Est qu’il préside, au fond, est bien petite, et qu’il faudra lors d’un prochain redécoupage régional aller non pas dans le sens de la création d’une Eurorégion Alsace de plein exercice, mais au contraire d’une grande région de taille vraiment européenne.
Par exemple une Région Grand-Est- Haut de France, ou alors Grand Est- Bourgogne -Franche Comté. Et pourquoi pas, après tout, une fusion de ces trois régions auxquelles on trouverait un nom évoquant la grandeur et la puissance de ce nouvel ensemble régional. A réfléchir !
ndlr: et pourquoi s’arrêter là? Ne soyons pas timides, ouvrons la porte aux autres régions pour encore plus d’économies d’échelle, ne nous arrêtons pas avant d’avoir atteint les frontières et recouvert le territoire national ! La France, grande région unique, mais oui, c’est cela l’avenir !
L’Allemagne, un pays à remembrer
Il conviendrait d’ailleurs que nos voisins allemands s’inspirent des idées de Monsieur Leroy. Six Länder ont des populations comparables ou inférieures aux deux millions d’habitants d’Alsace, et onze sur seize inférieures à celle du Grand Est. Les populations du Brandebourg, de l’État ville de Hambourg de Saxe Anhalt et de Thuringe varient en effet entre 1. 853. 000 et 2.537. 000 habitants. Sans même parler de l’Etat ville de Brême (676 OOO habitants) ni de la Sarre voisine, franchement anachronique avec ses 982 000 habitants !
Et cela est encore pire si l’on compare les superficies ! Avec des Länder aussi minuscules, le déclin économique est inéluctable Outre-Rhin. Très étonnant que de telles anomalies subsistent chez nos voisins pourtant réputés pour leur réalisme et leur aptitude à s’inscrire dans la modernité.
La France, un modèle d’efficacité
Fort heureusement, seul pays européen composé uniquement de grandes régions, la France échappe aux difficultés économiques qui secouent tous nos voisins. Nous sommes donc sauvés par la puissance des vastes territoires, une exception française.
La gestion des services publics à grande échelle telle que la pratique la grande Région Grand Est semble ainsi porter ses fruits. Les économies promises par les fusions des régions dépassent toutes les espérances, à tel point que plus personne de sensé ne peut considérer que la France ait un problème de dette publique excessive. A ce titre, il est incompréhensible que les autorités européennes gardent ouverte une procédure de déficit excessif à l’égard de notre pays. Au lieu de fustiger la France, elles feraient mieux de recommander aux autres pays de suivre la méthode hexagonale. Car dix ans après la réforme française, pas un seul autre pays ne s’est inspiré de cette franche réussite – hélas.
Franck Leroy, un prophète à écouter
Monsieur Leroy, nous comptons sur vous pour faire enfin ouvrir les yeux aux nombreux récalcitrants qui persistent envers et contre tout à douter des bienfaits salvateurs des fusions pour former de grandes régions. Nous vous encourageons également à poursuivre vos dépenses de communication tous azimuts. A force de bourrage de crâne, ils finiront bien par s’approprier votre slogan du « faire rêver Grand Est ».
Vive les mastodontes bureaucratiques ! Vive le Grand Est !
Jean-Philippe Atzenhoffer, économiste, enseignant, auteur du livre Le Grand Est, une aberration économique (2021)
Pierre Kretz, écrivain, auteur notamment des essais Le nouveau malaise alsacien (2015) et Je suis alsacien, mais je me soigne (2020)