L’exposition à ne pas manquer cet été 2024 : retables et peintures du Moyen-Âge du Rhin Supérieur sont à l’honneur au musée Unterlinden.
Pour sa première exposition du genre depuis 2008, le musée Unterlinden s’est appuyé sur un projet de recherche (cataloguer retables et peintures germaniques dans les musées français) qui a résulté en non pas une mais trois expositions ce printemps-été 2024, les deux autres étant à Besançon et Dijon. Un projet qui a aussi permis d’attribuer une de ces peintures cataloguées à Albrecht Dürer.
Un parcours pédagogique
Qu’est-ce qu’un retable ? Comment réalise-t-on un panneau peint ? Comment les restaurer ? « Couleur, Gloire et Beauté », à visiter jusqu’au 23 septembre 2024 au musée Unterlinden à Colmar, répond à ces questions d’entrée de jeu et avec des doubles panneaux d’explication : un pour les adultes, l’autre pour les (grands ?) enfants. On y apprend d’ailleurs que les retables, composés de paires de panneaux peints s’ouvrant sur une caisse de sculptures de saints, ont été si souvent abîmés ou démantelés qu’il n’en subsiste que deux complets : le célébrissime Retable d’Issenheim et le récemment restauré Retable de la Vie de la Vierge de l’église Saint-Christophe à Luemschwiller, tous deux à voir dans le cadre de cette exposition au musée Unterlinden.
Martin Schongauer, Hans Baldung Grien et autres maîtres de la peinture de retables
La grande salle offre à voir l’évolution des techniques au 15ème et 16ème siècle. Au début des années 1400, les peintures des retables suivent encore les codes des icônes : fond doré, poses symboliques des personnages saints, drapés figés, pas de perspective. Des maîtres locaux tels Caspar Isenmann à Colmar vers 1460 ou Jost Haller à Strasbourg vers 1450 innovent en soignant les détails et l’expressivité.
Martin Schongauer devient la figure dominante entre 1450 et 1491 à Colmar. Ses figures ont des attitudes délicates et des expressions douces. Il les positionne de manière réaliste dans des compositions complexes avec des volumes. Il exerce ainsi une influence considérable dans tout le Rhin supérieur et même au-delà.
On peut ainsi mentionner Urban Huter, autre maître colmarien vers 1471-1497, qui peint des figures allongées et des visages de profil. Et aussi le « Maître des études de draperies » à Strasbourg (actif vers 1470-1500) avec, vous l’aurez compris, ses drapés particulièrement travaillés.
Le début du 16ème siècle est l’apogée du genre avec des génies tels que Mathis Gothart Nithart dit Grünewald, auteur des peintures du Retable d’Issenheim (1512-1516) et Hans Baldung Grien (1484-1545). Ce dernier, Souabe établi à Strasbourg, est un rebelle inclassable : il invente des images novatrices et pleines de fougue. Il est influencé par le maniérisme italien et n’hésite pas à aller au-delà du réalisme en altérant corps, couleurs et drapés. Il peint des sujets religieux au début (dont le maître autel de la cathédrale de Freiburg-in-Breisgau, et surtout des portraits après 1530 quand Strasbourg la protestante ne veut plus d’images saintes dans les églises.
Son contemporain à Strasbourg, Wilhelm Stetter (1487-1552), prêtre de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem, peint des scènes religieuses – vie du Christ et des deux Saints Jean – en apportant un soin particulier au traitement des visages, tous individualisés, aux costumes et aux détails d’ornement.
Albrecht Dürer : une crucifixion retrouvée
Le projet de recherche a aussi abouti à attribuer une crucifixion à Albrecht Dürer. Longtemps attribuée à l’entourage de Martin Schongauer, ce serait une œuvre de jeunesse réalisée pendant le séjour d’Albrecht Dürer à Bâle en 1492-1493 alors qu’il n’a pu rencontrer Martin Schongauer mort en 1492. A voir sur place, en bonus de cette belle exposition « Couleur, Gloire et Beauté » consacrée aux retables et peintures du Rhin supérieur (Oberrhein)