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Cynthia Colombo, lauréate de d’Stimme 2021

Cynthia Colombo a remporté la finale de la 4ème édition de d’Stimme, l’équivalent alsacien de The Voice, vendredi 14 mai 2021 à la salle Tanzmatten à Sélestat. Elle succède à Gaël Sieffert, Serge Rieger, et Charlotte Vix, lauréats 2017-2018- 2019 de ce concours de chansons en alsacien et en platt organisé par l’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle (OLCA) et France-Bleu Elsass.

Cynthia Colombo, lauréate du concours de chant d'Stimme 2021
Cynthia Colombo, lauréate du concours de chant d’Stimme 2021

La chanteuse de Cleebourg s’est imposée avec Mei Lawe ìn Rosarot, (La vie en rose immortalisée par Edith Piaf en 1947) devant deux autres adaptations : celles de Brigitte Crenner classée 2ème de d’Stimme avec Wie de Storich ich flìej (What’s up du groupe 4 Non Blondes) et Delphine Untereiner chantant Schàtzel, hàb Heimweh (Au Café des délices de Patrick Bruel).

d Stimme 2021 Brigitte Crenner
Brigitte Crenner, seconde place à la finale de d’Stimme 2021
Delphine Untereiner finale de d'Stimme
Delphine Untereiner , troisième place à la finale de d’Stimme

C’est donc sur ces trois adaptations que les chanteuses ont été retenues pour cette finale initialement prévue en 2020 et reportée pour cause de pandémie. Pour les (re)découvrir, voici les liens vers les chaînes Youtube de Cynthia Colombo, Brigitte Crenner et Delphine Untereiner.

« Vous aurez l’occasion de découvrir la poésie enivrante et suave de Delphine Untereiner, l’univers Pop de Brigitte Crenner et le swing aux accents jazzy de Cynthia Colombo » : c’est ainsi qu’a été présenté, dans le communiqué de presse de l’OLCA, le répertoire des trois chanteuses.

Dans la dernière ligne droite, ce trio avait été en lice face à deux artistes chantant leur propre répertoire : Min Kìnd, de Stéphane Jost et Wàs ìch schù làng wìll sàga, d’André Baumert.

Par ailleurs, lors de la soirée aux Tanzmatten, chacune d’elles a interprété une seconde chanson. Le choix était libre, seule obligation : sortir de son registre habituel, soit ‘s reicht niemols (Never Enough de Loren Allred) par Cynthia Colombo et Bruno Jacky ; ‘s isch e so scheeni Welt par Brigitte Crenner (What a wonderful World de Louis Armstrong), et Oh d’Lieb (L’amour est un oiseau rebelle, extrait de Carmen de Bizet, adapté par Elisabeth et Delphine Untereiner).

D’Stimme: le choix d’un jury et de 909 internautes

Le classement final résulte du choix d’un jury et du vote de 909 internautes selon Michel Koebel (DNA, 15 mai 2021). Filmé dans d’excellentes conditions, la soirée animée par Bénédicte Keck et Clément Dorffer aura, une fois de plus, bénéficié de l’efficace participation de MatsKat et ses complices Christian Clua, Grégory Ott, Jean- François Untrau, Matthieu Zirn.

Deux des trois gagnants des éditions précédentes de d’Stimme y ont chanté le titre qui leur a permis de remporter la finale en 2017 (Gaël Sieffert) et 2019 (Charlotte Vix). Manquait à l’appel le lauréat 2018, Serge Rieger. Et pourquoi donc ? Un choix personnel : « C’est moi qui ai décidé de ne pas participer à la finale pour une simple raison : faire 200 km pour chanter une chanson sans public ne me semble pas d’actualité, et pas très écologique non plus ». On peut en déduire –avec un peu d’humour- que par son absence Serge Rieger a illustré avec brio le thème de sa chanson gagnante : Nit ùm’s Verecke màch i mit (« Pour rien au monde je n’y participerai »).

Pas de doute, durant une heure et 33 minutes, y compris les remises de prix et remerciements, on a pu savourer le 14 mai un beau spectacle, lequel est toujours visible sur Youtube , ainsi qu’un récap en moins de 10′ édité par l’OLCA.

Avec le déroulement de cette finale, il y a de quoi féliciter les qualités vocales des trois interprètes et leur incontestable talent à mettre en valeur en alsacien des tubes de deux artistes français (Piaf, Bruel), et d’un groupe de rock californien (4 No Blondes).

d'Stimme, Cynthia Colombo, Brigitte Crenner, Delphine Untereiner, Charlotte Vix, Gaël Siffert
Pour le final du concours d’Stimme 2021, Cynthia Colombo, lauréate (à gauche), et les deux autres finalistes Brigitte Crenner (centre) et Delphine Untereiner (droite) chantent ensemble accompagnées par Charlotte Vix (lauréate 2019 – au second plan) et la guitare de Gaël Siffert (à gauche au second plan)
Photo: Michel Koebel

Matskat, coach attitré de d’Stimme

Pareille démarche artistique témoigne d’un savoir-faire d’adaptatrice et d’interprète à saluer chez les trois chanteuses. Et on comprend d’autant mieux le chemin accompli grâce aux trois séquences filmées au domicile des finalistes ; on y voit ce travail d’adaptation : intonations, vocabulaire, grammaire, prononciation, etc.

Dans son texte, la journaliste Judith Jung (FR3 Alsace) insiste à juste titre sur l’importance de « l’artiste Matskat qui lui-même avait participé à The Voice en 2013. Aujourd’hui c’est lui le coach, un musicien et chanteur que l’on ne présente plus et qui, au fil des éditions, a redécouvert tout ce que l’on pouvait faire avec la langue alsacienne. Présent pour aider les candidates à placer leur voix, le rythme et à soigner l’intention qu’elles souhaitent mettre dans leurs chansons, il avoue que ces séances lui sont aussi d’une grande utilité dans son apprentissage de nouvelles expressions et concepts dialectaux et qu’il aime donner à tous ces artistes l’envie de faire de nouvelles choses avec l’alsacien ».

Les conseils de Matskat, ajoutés à ceux d’Isabelle Schoepfer-Dietrich, directrice de l’OLCA, et Félicien Muffler ont bien mis en valeur la langue régionale, dans le cadre d’une adaptation en alsacien de chanson connues et non de création de chanson (paroles et musique).

Adaptations vs créations originales en alsacien

Poussons un peu plus loin notre réflexion : d’Stimme doit-il se contenter d’être un concours faisant la part belle aux adaptations ? L’important, ce serait donc uniquement la manière de mettre en valeur des « textes en alsacien qui soient justes et beaux » ?

Nombre de participations aux quatre éditions de Stimme ont été marquées par des adaptations alsaciennes de tubes de diverses origines. Tout y est passé, dans un large éventail artistique de Claude François à Louis Amstrong repris cette année par Brigitte Crenner et déjà en 2018 par Luc Lemenu, alias Mister Lucky sur un texte signé Armand Geber.

L’avenir de la chanson alsacienne passe-t-elle inévitablement, voire exclusivement par l’adaptation de tubes ? Cette question en entraine évidemment une autre : est-il plus facile d’écrire un texte en alsacien reposant sur un tube plutôt que de créer de toutes pièces une chanson originale ?

D’ailleurs est-il vraiment important que les jurés saisissent les subtilités des textes ? Ou alors s’agit-il simplement de voter en fonction de la musicalité des mots, de l’intérêt de la mélodie et des arrangements ?

Bonne question à laquelle on peut offrir une première réponse. Celle d’Isabelle Dietrich-Schoepfer dans l’émission Rund Um de FR3 Alsace :

« L’important est la manière dont sont chantés ces textes. Peu importe que ce soit une reprise ou une composition originale, nous voulons des textes en alsaciens qui soient justes et beaux » explique Isabelle Dietrich-Schoepfer, directrice de l’OLCA qui est présente pour corriger les éventuelles erreurs de langue avec l’aide de Félicien Muffler de France Bleu Elsass ».

S’il est évident que d’Stimme 2021 met en valeur des voix célébrant avec talent la langue alsacienne, on ne peut que partager le point de vue de Ludovic Renoir (groupe Babüsk) affirmant sur Facebook : « Bravo à toutes celles et ceux qui chantent l’alsacien, avec l’espoir que ce concours encourage d’autres musiciens à reprendre les chansons du répertoire alsacien, voire à en composer de nouvelles, sans forcément rester dans le plagiat-traduction de ces belles chansons françaises qui ne demandent qu’à le rester ».

Même son de cloche relevé sous la vidéo de la finale par Edgar Hilbig qui salue la qualité de la soirée tout en regrettant l’origine des chansons : « Ganz hervorragend. Aber ich bin etwas enttäuscht, dass die Lieder nicht nur Mundart Elsässisch waren ! »

Bonne nouvelle ! La lauréate de cette année Cynthia Colombo n’entend pas s’en tenir à des adaptations alsaciennes de chansons déjà connues : c’est ce qu’elle m’a précisé deux jours après sa victoire. Elle envisage effectivement de continuer dans la chanson alsacienne en se lançant aussi dans des textes et mélodies inédits. De quoi se réjouir, d’autant plus qu’elle affirme haut et fort son identité alsacienne, comme en témoigne l’entretien diffusé mercredi 19 mai 2021 dans l’émission « Bunte Funkminuten » diffusée par SR3 Saarlandwelle, radio allemande partenaire du concours.

Un prix spécial de création alsacienne à d’Stimme ?

Dès la première édition de d’Stimme, j’avais lancé dans un article une piste de réflexion et d’action aux organisateurs : pourquoi ne pas envisager une catégorie création et une autre de reprise/ adaptation ? La suggestion n’a pas été retenue et c’est sans doute lié au fait que France Bleu Elsass ne reçoit pas suffisamment de chansons inédites pour envisager deux catégories bien distinctes.

Si c’est le cas, ce constat ressemble à un inquiétant signal d’alarme : soit d’Stimme ne donne pas/plus suffisamment envie de créer des chansons en alsacien ou en platt … soit l’Alsace ne compte pas/plus suffisamment d’auteurs et de compositeurs capables de créer au sens fort du terme.

Reste une évidence qui m’a été rappelée mardi 15 juin 2021 à l’issue de la vitrine musicale de Cynthia Colombo à Strasbourg, à la Boutique Orange, partenaire de d’Stimme.

Cynthia Colombo
Cynthia Colombo, lauréate du concours d’Stimme 2021, le 15 juin 2021 à la boutique Orange à Strasbourg

Evoquant les trois adaptations de la finale 2021 avec une personne de l’OLCA, celle-ci a insisté sur le point suivant : le but de d’Stimme, c’est de promouvoir une belle voix au service de l’alsacien, et non pas de servir de tremplin à des chansons inédites. Donc, si on s’en tient à la médiatisation d’une belle voix, mission accomplie ce soir-là par la lauréate 2021 Cynthia Colombo. Elle a bien mis en valeur 9 chansons réparties entre versions alsaciennes de tubes, plus un titre chanté en anglais et deux en français (Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion et Padam Padam d’Edith Piaf).

Et pourquoi pas envisager pour la prochaine édition de d’Stimme un prix spécial valorisant une chanson inédite ? C’est sur cette perspective que s’est achevée cette discussion.

Albert Weber, juin 2021
Journaliste musical du mensuel « Paroles et Musique » puis du trimestriel « Chorus », Albert Weber a également travaillé dans divers médias (Ile Maurice, Réunion, Paris, Alsace). Ce créateur du site www.planetefrancophone.fr est aussi un des membres fondateurs du Club Perspectives Alsaciennes.

PS: si la chanson alsacienne vous intéresse, lisez donc Le Vostock Project – une création musicale en alsacien.

Ce texte de 12 pages signé Gaël Sieffert a paru dans Rupture et transmissions / Histoires, langues et liminarités en Alsace depuis 1815, un ouvrage collectif dirigé par Dominique Rosenblatt et Gérard Schaffhauser. Ce livre accompagné d’un CD a paru en décembre 2020 sus l’égide de l’association Stockbrunna de Lautenbach.

Le lauréat de d’Stimme 2017 aborde sans langue de bois toutes les questions, tous les obstacles, tous les cas de figure qui frappent de plein fouet un(e) artiste d’Alsace qui a envie de continuer à chanter en alsacien dans sa région natale, voire plus loin. Un témoignage à lire de toute urgence, histoire d’alimenter l‘indispensable réflexion collective que devrait susciter la 4eme édition de d’Stimme.

Pour se procurer cet ouvrage (20 €, CD offert) : [email protected] ou 06.85.31.16.34.

https://www.facebook.com/LDMMLautenbach/

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