Pia Imbs à Holtzheim, Victor Vogt à Gundershoffen, Daniel Burrus à Neuwiller-lès-Saverne et d’autres à Quatzenheim et ailleurs. Des maires se réapproprient le 11 novembre de façon inclusive, pour célébrer tous les morts de ce carnage, Feldgrauen alsaciens inclus, et pas seulement les Poilus français.
Nombre d’élus locaux en ce jour glorifient les Poilus, et eux seulement, en récitant le discours élaboré pour eux par le ministère à Paris, et oublient notre histoire alsacienne et leurs grands-pères ou arrière grands-pères mobilisés en Feldgrauen dans l’armée allemande. A l’école aussi, nos enfants se voient présenter les Poilus comme seuls représentants des Alsaciens de l’époque. Pas étonnant que la majorité de notre population en Alsace, en particulier les jeunes générations, ne comprennent plus rien à l’histoire de notre région : ils confondent Feldgrauen de la 1ère Guerre Mondiale et Malgré-nous de la 2ème, et pensent que l’Alsace a été « occupée » par la Prusse de 1871 à 1918.
Heureusement certains maires, avec le soutien actif de l’association Unsri Gschicht, ont une approche plus respectueuse, plus pédagogique et aussi plus humaine de la vérité historique de notre région. Dans leurs cérémonies, Poilus et Feldgrauen se côtoient dans un même hommage aux victimes de cette tuerie insensée.
« Ce « A Nos Morts » qui permet d’honorer tous les morts Alsaciens-Mosellans, qu’ils aient servi l’armée allemande ou l’armée française, est en réalité pour moi un « A Nos Morts » à toutes les victimes de l’Humanité dans ce conflit. »
Victor Vogt, 11 novembre 2021
Le 11 novembre 2021 à Holtzheim avec la maire Pia Imbs
La maire et présidente de l’eurométropole Pia Imbs de Strasbourg a été une des premières à innover pour commémorer le 11 novembre en sortant des discours élaborés par le ministère à Paris pour les maires de France. Et cette année, tout le conseil municipal était en costume alsacien/Tràcht, Pia Imbs la première, et un Poilu et un Feldgrau ont fraternisé en clôture du discours au son de Ich hatt’ einen Kameraden.
Le maire de la commune allemande jumelée Willstätt était également présent pour déposer une gerbe sous l’oeil attentif des enfants de Holtzheim et d’une classe de lycéens Abibac (filière du double bac bilingue franco-allemand) de Caen. L’association Unsri Gschicht a eu l’occasion la veille d’expliquer aux lycéens de Caen les particularités de l’histoire alsacienne, et en quoi elle ne rentrait pas dans le « roman national ».
Le 11 novembre 2021 à Gundershoffen avec le maire et conseiller d’Alsace Victor Vogt
Quelques passages marquants du discours de Victor Vogt devant le monument aux morts ce 11 novembre 2021 :
« Une chose est sûre, la France avait, avec ses alliés, gagné la guerre. Mais Clémenceau, en Tigre intransigeant, allait-il gagner la Paix ?
Même si cette Victoire permis le retour à la « Mère Patrie », grâce à une défaite d’un autre « Vaterland », le désir de vengeance nourri par la défaite de 1870, dont notre territoire en général, et notre commune en particulier en connaissent encore les stigmates, n’a-t-il pas créé le germe des tensions futures ? »
« A-t-on gagné la Paix, lorsque l’une des premières mesures fut de classifier de manière ethnique la population alsacienne en 4 catégories (A, B, C et D) ? Ma mère s’est vue demander la bonne réintégration de son grand-père dans la nation française à l’Etat civil! Et je ne vous parle pas de la population expulsée, comme si l’affaire Dreyfus n’avait toujours pas servi de leçon…
A-t-on gagné la Paix, lorsque l’on choisit en 1927 de donner une pension aux vétérans alsaciens qui ont servi l’armée française ou déserté l’armée allemande, lorsque ceux qui ont simplement servi le Pays auquel la France a cédé ses terres par délibération à Bordeaux, n’ont rien perçu ?
Et même dans nos dernières décennies, avons-nous gagné la Paix, lorsqu’au Bus und Bett Tag en Allemagne d’un côté, et aux commémorations du 11 Novembre en France de l’autre, on n’a jamais daigné prendre en compte les 320 000 Alsaciens et Lorrains qui ont combattu ? Ils n’ont pas été honoré par les Allemands, car ils étaient redevenus Français, et ils n’ont pas été célébrés par les Français, car ils avaient servi l’Allemagne.
Combien, sur le monument aux morts de Gundershoffen au cimetière ont été dans l’armée française durant la Grande Guerre ? Aucun ! Je veux aujourd’hui leur rendre solennellement hommage, afin que leur mémoire, soit aussi notre souvenir. Car dites-vous, qu’après avoir été qualifié de Franzosenköpfe dans l’armée allemande, ils ont longtemps été soupçonnés d’être des Boches. »
Le 11 novembre 2021 à Neuwiller-lès-Saverne
A côté du Poilu, en uniforme d’officier interprète, se tiennent deux Feldgrauen. L’un des Feldgrauen arbore le drapeau allemand de l’époque. Des feuilles de chêne ont été déposées par une veuve de guerre, qui symbolise la douleur des familles endeuillées, et une infirmière, qui rappelle la douleur des blessés, mutilés et traumatisés. Une reconstitution très symbolique, au plus près de notre histoire, comme on en voit rarement pour ces commémorations du 11 novembre.
Photos: Unsri Gschicht