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D’GODA de Louis Schittly

Une pépite refait surface : D’Goda (La Marraine), seul « film paysan en alsacien » selon son réalisateur Louis Schittly, a été rénové et redécouvert grâce à une tournée de projections à travers l’Alsace en 2022-23. Et pour tous, un DVD enrichi est sorti fin 2023: un collector!

Le sundgovien Louis Schittly est surtout connu comme cofondateur de Médecins Sans Frontières et comme écrivain : Dr Näsdla ou Un automne sans colchiques (1983 réédité en 2013), le conte bilingue Fyirr et Nadala (1996) ainsi que son autobiographie L’homme qui voulait voir la guerre de près (2011). Mais il a aussi tourné un film dans ses jeunes années en 1975, alors qu’il reprenait ses études de médecine pour se spécialiser après être revenu d’une mission au Vietnam avec Médecins Sans Frontières. Ce qui, de son propre aveu, lui a donné envie d’écrire. Le film D’Goda a été écrit et tourné entièrement (avec en co-réalisateur le cinéaste Daniel Schlosser) en pellicule 16mm et en alsacien avec des acteurs amateurs, en six semaines pendant l’été 1975 à Bernwiller, le village natal de Louis Schittly dans le Sundgau. Parmi les acteurs, on retrouve notamment l’écrivain René Ehni ainsi que Roger Siffer qui y joue une chanson à la fin du film.

D'Goda Louis Schittly Albert Weber Daniel Schlosser
Louis Schittly (à droite) répond aux questions du journaliste Albert Weber (au milieu) avec Daniel Schlosser (à gauche) lors du débat suivant la projection à la Choucrouterie à Strasbourg en octobre 2022

Louis Schittly, Don Quichotte alsacien

Louis Schittly y tient le rôle principal, celui d’un jeune paysan qui revient s’installer au village et loue les terres de sa marraine en refusant le progrès technologique, en labourant avec son cheval plutôt qu’avec un tracteur. « Arrêtez de courir après le tracteur, arrêtez de vous suicider » est le message que martèle le film. Plus généralement, Louis Schittly dénonce au passage le rouleau compresseur du progrès qui dénature l’Alsace : Mulhouse devient pour la Marraine une ville moderne… et étrangère ; le maire du village débaptise les rues pour mettre des panneaux en français. On ne saurait plus clairement annoncer la mort programmée de notre langue et de notre culture alsaciennes.

Gauchiste et réactionnaire à la fois, revendique Louis Schittly, D’Goda n’a eu que peu de succès à sa sortie. On le comprend, son message utopiste était alors trop décalé : convaincre la paysannerie de continuer à s’échiner derrière un cheval alors qu’un tracteur, c’est moins éreintant et tellement plus productif… Avec le temps, le côté visionnaire de D’Goda apparaît plus nettement (euphémisme). Oui, le progrès matériel se paie souvent d’un appauvrissement spirituel, nous le savons en Alsace peut-être plus qu’ailleurs.

La tournée de D’Goda à travers l’Alsace se poursuit en 2023

Rénové et numérisé par son ami et réalisateur de films documentaires Vincent Froehly (qui y a investi ses propres fonds) à partir des bobines de pellicule 16mm d’origine, D’Goda est en pleine tournée de projections à travers l’Alsace depuis cet automne 2022. Et devrait sortir en DVD en 2023.

Le film est en alsacien du Sundgau, mais pas si difficile à suivre, croyez-en un Steckelburjer (Strasbourgeois) ! Et il est aussi sous-titré en français : à partager donc avec tous ceux que le message de ce film peut intéresser.

Benoît Kuhn, décembre 2022, mise à jour février 2023

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