Le président de la région Grand Est Franck Leroy a réussi une très belle année 2024. Aux dépens de l’Alsace malheureusement.
La chance sourit aux audacieux paraît-il. Cela tombe bien, Franck Leroy ne manque pas d’audace et l’a prouvé tout au long de l’année. Et avec succès.
Franck Leroy ne parle qu’au sommet de l’État…
Mieux vaut s’adresser au Bon Dieu qu’à ses saints, dit un proverbe. Franck Leroy l’a bien compris. Pendant que militants et élus alsaciens plaident leur cause ce printemps 2024 auprès du député Eric Woerth, chargé de rédiger un rapport sur la décentralisation à destination d’Emmanuel Macron, le président du Grand Est s’adresse directement au président de la République. En envoyant à l’Élysée le 25 avril 2024 un courrier contre le redécoupage du Grand Est, courrier signé de 36 maires du Grand Est dont sept Alsaciens.
Cerise sur le gâteau : parmi les signataires alsaciens figure Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole de Strasbourg et jusque là Vice-présidente du Mouvement pour l’Alsace. Un retournement inattendu qui en sidère beaucoup en Alsace. Bien sûr, l’intéressée jure ses grands dieux que sa nomination « en même temps » (30 avril 2024) comme administratrice de l’AFIT (Agence de Financement des Infrastructures de l’État), agence dont Franck Leroy est Président, n’est que pure coïncidence, n’est due qu’à ses mérites personnels, et elle menace de procès quiconque insinuerait le contraire.
Au résultat, le président Macron douche les espoirs des Alsaciens lors de sa visite du 26 avril 2024. Le rapport Woerth, remis en mai 2024, en prend acte et préconise (« proposition 44 ») de maintenir l’Alsace dans le Grand Est et « d’étudier la possibilité de lui transférer ou déléguer de nouvelles compétences ». Les négociations à ce sujet entamées en juin 2024 entre Frédéric Bierry et Franck Leroy à la demande d’Emmanuel Macron durent toujours…
Bref, on ne peut que s’incliner devant tant de savoir-faire du président Leroy: voilà clairement le plus beau coup politique de l’année.
… et réduit au silence ses opposants alsaciens
Outre la carotte, le président Franck Leroy sait aussi user du bâton quand il le faut avec ses interlocuteurs.
Le président de la région Grand Est avait déjà bien terminé l’année 2023 en obtenant une condamnation de cinq jeunes militants autonomistes à de la prison avec sursis. Motif : avoir jeté de la peinture sur une voiture de la région Grand Est lors du Tour de France 2022. Bravo à la gendarmerie qui a instruit avec diligence la plainte de la région et nourri en un an à peine un dossier d’environ 600 pages contre cette bande de terroristes.
Les élections législatives de juillet 2024 fournissent une nouvelle opportunité que Franck Leroy exploite avec succès. Victor Vogt, conseiller d’Alsace et président de l’OLCA (Office pour la Langue et la Culture Alsacienne), est candidat LR pour ces élections avec le soutien du parti autonomiste Unser Land. Intolérable promiscuité, tonne le président du Grand Est qui menace par écrit de retirer ses administrateurs et de couper les subsides à l’OLCA ! Une menace que certains, Frédéric Bierry en tête, qualifient de « discrimination », un délit puni par la loi. Mais de contre-attaque juridique, nenni: les réactions alsaciennes ne dépassent pas le stade du communiqué indigné, même de la part d’Unser Land. Gageons que les élus alsaciens de tous bords ont compris le message et sauront qui fréquenter (ou pas) à l’avenir.
Économie et communication
L’économie est un vecteur de communication de choix pour Franck Leroy, qu’on entend beaucoup plus sur ce sujet que son Vice-président attitré Claude Sturni.
Le 14 mai 2024, on annonce 4 milliards d’euros d’investissements par 8 sociétés étrangères dans le Grand Est, dont plus de 2 milliards pour la seule Alsace : un data center de Microsoft à 2 milliards d’euros, plus 300 millions d’euros de firmes présentes de longue date comme Hager et Mars.
Franck Leroy pavoise : le Grand Est est super-efficace, super-attractif ! Il enfonce le clou fin septembre 2024 lors du congrès des régions de France qui se déroule à Strasbourg : grâce à sa « taille critique », le Grand Est est « plus visible et plus écouté par les investisseurs étrangers, revenir vers les petites régions, c’est s’affaiblir ».
« Big is beautiful » : un argument simpliste, abandonné en économie depuis longtemps, mais repris sans sourciller par les élus pro-Grand Est et les médias régionaux.
Idem pour le R-Pass, le projet d’écotaxe sur les poids lourds de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) qui – justement – passe mal auprès des entreprises locales. Elles voudraient au moins des contreparties financières que la CeA a du mal à promettre car n’ayant pas la compétence économique dévolue à la région. Qu’à cela ne tienne : Franck Leroy, sourire aux lèvres, offre en novembre 2024 son aide « désintéressée » à la CeA pour résoudre le problème.
La région Grand Est a d’ailleurs son propre projet d’écotaxe sur les autoroutes (A31) du sillon lorrain, et celui-ci se voit saluer par les DNA/L’Alsace comme « plus transparent » que le projet de la CeA. Un commentaire bienvenu, n’est-ce pas ?
Seule petite ombre au tableau, la région Grand Est a du mal à installer ses panneaux « La Région aide ses communes » partout en Alsace. Ils ont tendance à disparaître assez vite. Mais qu’importe, quand on a budgété plusieurs millions d’euros rien que sur cette seule ligne de communication, on peut voir venir…
Bravo Président Franck Leroy ! Vous avez tout juste en 2024. Dommage que vous ne soyez pas Alsacien.
Benoît Kuhn, décembre 2024 – photos: DR Alsace.News
