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La vérité sur les chiffres affichés par la Région Grand Est

Depuis la fusion des Régions avec la loi NOTRe qui a créé la Région Grand Est en aout 2015, plusieurs fausses informations circulent dans nos réseaux. Pour clarifier le débat, nous avons demandé à un spécialiste des finances locales de nous donner les bons chiffres sur le périmètre du Grand Est et il a sélectionné trois exemples pour illustrer ses propos.

Spoiler : la Région Alsace aurait réalisé elle-même tout ce dont le Grand Est se glorifie… avec moins de coûts de fonctionnement.

logo Grand Est

La Région Alsace bénéficierait de plus de crédits dans le Grand Est

Plusieurs conseillers régionaux se relayent en boucle depuis plusieurs années pour nous expliquer que « l’Alsace a plus de crédits depuis qu’elle est dans le Grand Est », sous-entendu grâce au Grand Est. Ceci est faux à double titre.

D’une part, les Régions ont perçu à partir de 2018 une fraction de la TVA en remplacement de la dotation globale de fonctionnement pour l’exercice de la compétence économique. Or la TVA constitue une recette plus dynamique, elle augmente avec l’inflation.

D’autre part, à partir de 2017, les Régions ont connu surtout une hausse sensible des impôts locaux de 404 millions € due à l’attribution d’une part supplémentaire de la CVAE (Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises) en attribuant aux Régions 50% de la CVAE contre 25% les années précédentes.

Donc, le montant global attribué au Grand Est étant plus important, il est normal que la dotation affectée à l’Alsace soit plus élevée, sinon l’Alsace aurait été perdante structurellement. Il n’y a pas d’ « effet Grand Est » dans ces augmentations.

Les prétendues économies de la Région Grand Est

Ensuite, il est affirmé régulièrement que la fusion des Régions provoque des économies de fonctionnement. L’expression « Big is beautiful » a servi d’argumentaire dès les premiers débats sur la loi NOTRe. Dans la refonte de la carte des régions, il a été évoqué à maintes reprises les économies d’échelle, grâce à la fusion et à la simplification du mille–feuille institutionnel. C’est faux, car la méga-région génère des surcoûts.

La Cour des comptes a fortement remis en cause dès octobre 2017 ces analyses déclaratives pour plusieurs raisons : d’une part, d’éventuelles économies ne risquent pas de venir dans les premières années de fusion, et bien au contraire, les magistrats ont rappelé qu’au début, on assiste plutôt à un accroissement des dépenses par « un nivellement des charges de fonctionnement » au niveau le plus élevé des trois collectivités fusionnées. Ce qui a été le cas dans la pratique comme l’a aussi constaté l’économiste Jean-Philippe Atzenhoffer dans son livre Le Grand Est, une aberration économique (2021).

D’autre part, la simplification administrative a également échoué, car la réforme territoriale a eu comme première conséquence inévitable de « complexifier le paysage institutionnel » en maintenant les implantations des trois anciennes Régions et en organisant le Grand Est autour de douze agences territoriales de la Région qui nécessitent des moyens considérables en ressources humaines et en frais de déplacement, qui cassent l’idée même de proximité.

Un budget record pour 2024… avant une baisse en 2025 ?

La Région Grand Est présente en 2024 un budget record, non pas à cause de son périmètre actuel qui résulte de la fusion de l’Alsace, de la Lorraine et de Champagne -Ardennes, mais du fait de la situation conjoncturelle et d’éléments de transfert d’ordre comptable.

En effet, grâce à la fraction de la TVA dont bénéficie la Région et qui représente près de la moitié de ses revenus, l’année 2023 avec un taux d’inflation supérieur à 4% a augmenté le budget de la Région. Mais l’inflation affecte aussi les coûts salariaux et autres, le solde budgétaire n’a donc aucune raison d’être positif.

De même, les fonds FEDER (Fonds européen de développement régional pour lesquels la Région sert de guichet) sont en hausse de l’ordre de 531 millions € à cause du chevauchement de deux années entre celle qui s’achève et celle qui est en cours. En résumé, il s’agit là d’un « accident comptable » plutôt que d’une augmentation durable de ces fonds.

Dernier élément très favorable pour gonfler les chiffres de la Région, le contrat avec la SNCF pour les TER doit désormais faire apparaitre l’intégralité des recettes et des dépenses ainsi que la TVA dans le budget de la Région, ce qui représente une augmentation de dotation de 244 millions €. Là encore, il s’agit d’un changement comptable, purement formel.

Notons que, selon ces éléments le budget de la Région de 4,5 milliards € en 2024 sera en forte baisse en 2025 (-10%) pour revenir à 4,1 milliards €.

En conclusion

Pour en sortir par le haut, ce qui est l’objectif de toute négociation difficile par une démarche d’intelligence collective, l’Alsace, après avoir totalement disparu à partir de 2015 de la carte administrative française, doit continuer à tout mettre en œuvre pour quitter le Grand Est et retrouver sa liberté budgétaire et , compte tenu de sa taille, son efficacité institutionnelle.

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