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Sylvain Waserman : la coopération transfrontalière avance grâce à la loi 3DS et au Comité transfrontalier

La coopération transfrontalière avance, nous dit le député Sylvain Waserman grâce aux nouveaux outils que sont le Comité de coopération transfrontalière mis en place en 2020 et la loi 3DS juste votée ce 16 décembre 2021 par l’Assemblée nationale.

Sylvain Waserman

Sylvain Waserman a été élu député de Strasbourg 2 (moitié sud de Strasbourg) en 2017 sous les couleurs du mouvement centriste Modem-LREM, après avoir dirigé la société Gaz de Strasbourg de 2009 à 2017, et été maire de Quatzenheim de 2008 à 2017. Se consacrant à temps complet à ses nouvelles fonctions, Sylvain Waserman est ainsi membre de la Commission des affaires étrangères, membre du Bureau et Vice-président de l’Assemblée Nationale. Il s’est engagé sur un certain nombre de projets de lois, au nombre desquels le transfrontalier, sujet peu spectaculaire mais qui le passionne car il est primordial pour l’Alsace :

Alsace.news: Du Traité d’Aix-la-Chapelle au Comité transfrontalier : qu’apportent ces nouveaux outils sur le sujet transfrontalier ?

Sylvain Waserman: « Le traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle/Aachen signé en 2019 vise à renforcer les liens entre France et Allemagne. En parallèle a été instituée une Assemblée franco-allemande où siègent 50 députés de chaque pays et qui se réunit tous les six mois. Et parmi les 15 projets prioritaires de ce traité (ndlr : dont la liaison ferroviaire Colmar-Freiburg) figure le Comité de coopération transfrontalière créé début 2020 avec un secrétariat basé à Kehl et dirigé par l’alsacien Vincent Muller et l’allemande Cathrin Gräber. Ce Comité transfrontalier réunit les deux ministres (ndlr : Clément Beaune, Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes pour la France), deux députés dont moi-même côté français, la préfète et les présidents des collectivités territoriales frontalières. C’est un organe de travail qui élabore des propositions (ndlr: voir description plus détaillée en fin d’article).

Il s’agit d’harmoniser les modèles économiques et sociaux des deux pays. Et donc de leurs droits, aussi bien pour les directives européennes à transposer que pour les lois existantes   C’est possible à deux, pas à vingt-sept au niveau européen. Le moteur franco-allemand impulse la construction européenne, en est le fer de lance, comme l’a constaté la chancelière Angela Merkel : « L’entente franco-allemande peut parfois irriter, mais quand elle est absente, cela inquiète tout le monde ».

Il y a une cohérence des trois outils mis en place. Le traité donne la vision, le cap ; l’Assemblée franco-allemande est un outil de rapprochement – il permet par exemple de défendre le statut de capitale européenne de Strasbourg auprès des députés allemands – et de contrôle de la mise en œuvre du traité ; et le Comité aborde les sujets concrets, lesquels sont légion… »

A.n.: Quels problèmes veut résoudre le Comité transfrontalier ?

SW: « Prenons quelques exemples concrets. D’abord le sport. Organiser une course qui traverse la frontière n’est pas possible car la licence sportive n’est pas reconnue dans l’autre pays. Le certificat médical nécessaire en France n’existe pas en Allemagne.

Autre exemple : la livraison de fleurs. Vous ne pouviez pas faire livrer des fleurs depuis Kehl à Strasbourg, il aurait fallu déclarer le livreur dans le registre des travailleurs détachés : trop compliqué ! Nous avons interprété un décret pour avoir une décision administrative de dispense de déclaration de travailleurs détachés dans un tel cas simple. Mais les actes à valeur ajoutée, comme la maintenance de photocopieurs, restent à déclarer.

Troisième exemple : celui des services de soins d’urgence. Ils n’ont pas le droit de passer la frontière, donc si vous avez un accident à Kehl, on vous emmène à Karlsruhe à 80 km, au lieu de la clinique Rhéna à un km ! Et la gestion des lits d’hôpitaux est faite nationalement, d’où la difficulté de se coordonner par-dessus le Rhin pendant la crise du Covid.

Tout cela montre que le marché unique n’existe pas encore dans la réalité. Les grands groupes ont des ressources et leurs solutions. Nous voulons fournir plus de fluidité à travers la frontière aux PME et aux particuliers en prenant un à un tous ces sujets irritants du quotidien. »

A.n.: Et vous avez donc utilisé la loi 3DS comme véhicule législatif pour avancer ?

SW: « Au début, rien n’était prévu dans la loi 3DS (ndlr : loi Différenciation territoriale, Déconcentration, Décentralisation, Simplification) sur le transfrontalier. J’ai donc profité de la discussion de cette loi au Parlement cet automne et y ai introduit, en accord avec le gouvernement, un titre transfrontalier à plusieurs effets. D’abord l’obligation d’inclure le transfrontalier dans les schémas de santé. Le schéma de santé des ARS (Autorités Régionales de Santé) en régions frontalières doit inclure le transfrontalier dans 3 domaines : la pandémie, les urgences et les soins quotidiens. Il s’agit d’autoriser l’accès aux habitants frontaliers de l’hôpital le plus proche et le plus adapté, ainsi que d’accélérer le traitement administratif de la fiche de soins pour rembourser plus rapidement. Objectif : être soigné à Kehl comme à Strasbourg.

Ensuite permettre aux schémas nationaux de transport d’inclure les villes limitrophes de l’autre côté de la frontière. A Strasbourg, le tram va à Kehl, mais Kehl ne peut participer à la gouvernance ou à l’actionnariat de la CTS (Compagnie des Transports Strasbourgeois) car c’est une SPL (ndlr : Société Publique Locale, qui permet aux collectivités de gérer leurs services publics sans mise en concurrence). Une modification du code général des collectivités territoriales a été votée en faveur de la participation des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements au capital de sociétés publiques locales. 

Ces dispositions ont été adoptées par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2021 ! Et lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, j’ai également déposé plusieurs amendements soutenus par la majorité. Nous avons à nouveau inscrit la possibilité pour les apprentis d’effectuer une partie de leur formation pratique ou théorique dans un pays frontalier, car depuis la réforme de l’apprentissage de 2018, ce n’était plus possible. Et dans le domaine du sport, dans le cadre d’événements transfrontaliers, la loi prévoit désormais de supprimer le recours au certificat médical.

Ces avancées concrètes sont autant d’irritants du quotidien qui trouvent solution grâce à la nouvelle dynamique transfrontalière mis en place par le Comité franco-allemand de coopération transfrontalière, mais dont les résultats sont tangibles pour tous les habitants de nos territoires frontaliers.»

Propos recueillis par Benoît Kuhn, mise à jour du 21 décembre 2021. Photo Sylvain Waserman: alsace.news DR

Le Comité de coopération transfrontalière (CCT) franco-allemand au service de tous

Le CCT a un triple objectif, ancré dans le Traité d’Aix-la-Chapelle (signé dans la capitale de Charlemagne le 22 janvier 2019 par la Chancelière Angela Merkel et le Président Emmanuel Macron) :

  • En premier lieu, le Comité a dressé une liste « d’irritants du quotidien » et de problèmes qui affectent la vie de la population, pour lesquels il a proposé des solutions aux deux gouvernements (par le biais de recommandations) ; de même, il soutient plusieurs projets d’infrastructure de transport et d’équipements sociaux et culturels qui doivent faciliter les échanges et l’intégration de voisinage.
  • Le Comité transfrontalier, où siègent des représentants des deux Parlements, pourrait également développer son action « préventive » pour éviter des conflits de normes, en veillant à une meilleure prise en compte des spécificités des territoires limitrophes des deux États lors de réformes nationales et de la transposition du droit européen dans la législation et la règlementation.
  • Enfin, le Comité transfrontalier offre un cadre inédit et original de dialogue entre tous les niveaux politiques et administratifs engagés dans les relations de proximité entre l’Allemagne et la France ; ce format est particulièrement important pour le rapprochement des systèmes de santé publique, mais aussi pour les questions d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique.

A l’avenir, le Comité transfrontalier devrait – si tel est le vœu de ses membres – jouer un rôle plus actif pour la promotion du dialogue culturel (notamment dans la jeunesse), pour l’encouragement de la formation professionnelle « en mobilité » et le soutien à l’apprentissage linguistique.

Vincent Muller, co-secrétaire général du CCT, relève que des très nombreuses instances se sont « sédimentées » au fil du temps dans le domaine de la coopération transfrontalière : « Leur légitimité n’est pas contestable, surtout lorsqu’elles sont au plus près des préoccupations des habitants (comme les Eurodistricts), mais les résultats de leur action sont encore trop peu connus des citoyens. Une approche plus stratégique pourrait être envisagée afin de les intégrer dans une même architecture, en respectant leur identité et leur mission propres. Il s’agirait là d’une réflexion de fond qui exigerait un vrai consensus qui permettrait, le cas échéant, d’envisager la construction d’une « Agence » transnationale franco-allemande ».

comité coopération transfrontalière CCT
Le Comité de coopération transfrontalière en réunion à Sarrebruck/Saarbrücken en octobre 2021

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