Frédéric Bierry lance la Grande consultation citoyenne sur la sortie de l’Alsace de la région Grand Est.
Il l’a fait ! On l’attendait plutôt après les Fêtes de fin d’année, mais le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) Frédéric Bierry a décidé de ne pas tarder.
A peine achevé son tour d’Alsace en 80 jours, il a annoncé ce mardi 21 décembre 2021 l’ouverture d’une « Grande consultation citoyenne » sur l’avenir de l’Alsace avec cette question :
L’Alsace doit-elle sortir du Grand-Est pour redevenir une Région à part entière ?
C’est une initiative importante, mais qui soulève beaucoup de questions … et d’oppositions. On tâche d’y répondre ici sous forme de FAQ (Foire aux Questions). En espérant vous fournir assez d’explications et d’arguments pour vous convaincre de participer et faire participer votre famille et vos proches.
La Grande consultation citoyenne, c’est quoi ?
Les Alsaciens, cad ceux qui se sentent des liens, des attaches avec l’Alsace, sont invités à répondre à la question de la sortie du Grand Est du 20 décembre 2021 au 15 février 2022 par plusieurs moyens :
- Directement sur la plateforme de vote. Celle-ci est aussi accessible depuis le site de la CeA : rubrique Grande consultation citoyenne
- Sur votre téléphone en flashant le QR code de la CeA sur ses supports de communication : vous arrivez directement sur le questionnaire en ligne
- Ou par bulletin de vote à déposer dans un des points d’accueil (liste sur le site de la CeA) ou à envoyer par la poste à un des deux sièges de la CeA à Strasbourg et Colmar:
Un huissier est chargé de vérifier les votes et en particulier d’éliminer les doublons (vote papier et vote mail). Lui seul a accès aux données nominatives, ce qui garantit l’anonymat de cette consultation.
Pourquoi maintenant ?
Pour influencer les candidats à l’élection présidentielle 2022 : en cas de succès du « oui » à la sortie du Grand Est, les candidats et le futur Président ne pourraient ignorer le choix des Alsaciens selon Frédéric Bierry. Et il faut contrer la petite musique de Jean Rottner qui répète à tout vent que son « succès » aux élections régionales de juin 2021 vaut approbation du Grand Est par les Alsaciens. Après le sondage Ifop de novembre 2021 (63% pour la sortie du Grand Est), il s’agit de faire monter la pression avec cette consultation citoyenne.
Mais attention, le niveau de participation de cette consultation citoyenne sera déterminant. Frédéric Bierry fixe un objectif de 100 000 votants pour être significatif. Lui-même s’est prononcé pour la sortie du Grand Est, mais prévient que si le résultat de la consultation citoyenne est négatif, il s’y rangera … et fermera le dossier de la sortie du Grand Est.
Pourquoi pas un référendum ?
Le droit en France ne permet malheureusement pas l’organisation de référendums locaux comme les « votations » suisses. Cette Grande consultation citoyenne est donc une consultation informelle, sans valeur juridique.
Mais à haute valeur politique insiste Frédéric Bierry ! En plus de l’enjeu immédiat des élections présidentielles, « il faut redonner du souffle au lien démocratique. La respiration démocratique ne se fait plus dans les urnes, il faut aller au contact direct des citoyens » a-t-il déclaré. Frédéric Bierry veut mobiliser la démocratie directe au secours de la démocratie représentative en organisant des « votations populaires de proximité » qui s’inspirent du modèle suisse. Et le président de la CeA promet de répéter l’opération sur d’autres sujets comme la taxe poids lourds ou le stockage de produits dangereux par Stocamine. Il espère même que ce « laboratoire d’innovation démocratique » que va être l’Alsace fera école, que ce genre de consultation citoyenne s’imposera en France.
Les réactions en Alsace
Les associations régionales à l’initiative du sondage Ifop de novembre 2021 sont évidemment favorables à cette consultation citoyenne et appellent à une participation massive des Alsaciens.
Les médias traditionnels alsaciens sont tièdes, hors l’Ami hebdo. Ils semblent considérer que le débat est clos depuis la réélection de Jean Rottner et que revenir dessus revient à « panser le passé » (Franck Buchy dans les DNA). Certains journalistes des médias nationaux ont même aligné des questions qui montrent leur conception hautaine et méprisante de la démocratie : « N’entretient-on pas un repli identitaire avec ce genre de consultation ? » et « Est-ce que ce ne serait pas donner trop de compétences à des élus cantonaux ? ». Les élus allemands et suisses doivent être des « Übermensch », eux qui exercent encore plus de compétences.
Côté politiques, peu de réactions jusqu’à présent. Hier 27 décembre 2021, les écologistes d’EELV Alsace ont publié un communiqué enjoignant Frédéric Bierry de travailler sur les conditions de vie plutôt que d’organiser une consultation citoyenne. Car « le contour institutionnel de l’Alsace ne peut de nouveau être chamboulé ces toutes prochaines années (ndlr: pourquoi?). Pour nous, écologistes alsaciens, l’horizon raisonnable pour une remise en cause des périmètres administratifs actuels se situe en 2030″. Autant dire aux calendes grecques.
Stéphane Leyenberger, maire de Saverne, a répété sur Facebook la position classique d’un élu alsacien « pragmatique » rallié au Grand Est. Les grandes régions sont « trop grandes et créent trop de distance entre les élus régionaux et le terrain ». Mais… il faut faire avec, cesser d’irriter nos voisins, se contenter de la CeA telle qu’elle est et abandonner cet « entre-soi alsacien » qui ne mène qu’à un « autonomisme poussiéreux ».
Ne revenons pas sur les multiples contradictions de ces prises de position somme toute classiques. Notons seulement que cela illustre à soi tout seul le mérite et même la nécessité de cette consultation citoyenne : ne pas laisser les élus confisquer la démocratie juste parce que cela arrange leur carrière.
Benoît Kuhn, 28 décembre 2021. Photos: alsace.news DR