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Pierre Kretz reçoit le Prix Hebel

Pierre Kretz s’est vu décerner le Prix Hebel (Hebelpreis) pour l’ensemble de son œuvre ce vendredi 10 mai 2024. Une reconnaissance internationale pour un auteur majeur de la littérature alsacienne.

Le prix littéraire Johann-Peter-Hebel (Johann-Peter-Hebel-Preis)

Décerné par le Land de Baden-Württemberg depuis 1936, ce prix prestigieux récompense un auteur en langue alémanique. Son nom se réfère à Johann Peter Hebel (1760-1826), célèbre pour ses Alemannische Gedichte (1803) mais aussi pour ses récits populaires parus dans des almanachs, notamment Der Rheinländische Hausfreund, de 1803 à 1819. Enseignant, pasteur et écrivain, ayant vécu entre Bâle et Karlsruhe, amoureux de Strasbourg où il se rendait souvent, Johann Peter Hebel est à l’origine du renouveau de la littérature alémanique au début du 19ème siècle… et reset un génie méconnu en Alsace. La cité de Hausen, dans la vallée de la Wiese près de Lörrach, où Johann Peter Hebel a passé une partie de sa jeunesse, lui rend hommage le 10 mai, jour de sa naissance, avec défilé, musiques, danses et chansons traditionnelles et… la remise du Prix Hebel.

Pierre Kretz dans la lignée d’Albert Schweitzer, André Weckmann, Claude Vigée et Adrien Finck

Pierre Kretz Prix Hebel

Avec cet équivalent alémanique du Prix Nobel de littérature, Pierre Kretz rejoint le Panthéon des grands auteurs alsaciens. « Un immense bravo à Pierre Kretz qui fait désormais partie de la longue et belle liste des lauréats du Hebelpreis, parmi lesquels quelques grands Alsaciens – Albert Schweitzer (1951), André Weckmann (1976), Claude Vigée (1984) et Adrien Finck (1992)! La fête a été belle, ce vendredi 10 mai, à Hausen im Wiesental. As ìsch e ràre Moman gsì, ì Huuse im Wiesetal, bi unsere bàdische Frìnd – un villicht äu s letschte Mol àss e Elsasser da Priss erhàlte het! » résume sur Facebook le journaliste et poète Jean-Christophe Meyer avec un brin de pessimisme. Peut-être se sous-estime-t-il lui-même…

Pierre Kretz, auteur multitalents

Né en 1950, Pierre Kretz grandit dans le vignoble haut-rhinois. Étudiant à Strasbourg au début des années 70, il veut faire du théâtre dialectal mais avec des préoccupations sociales contemporaines. Il fonde alors avec des copains (Monique Seemann, Luc Schillinger) la Jung Elsässer Bühn, dont le nom est un clin d’œil à la figure tutélaire de Bertolt Brecht. Suivant les tendances de l’époque, la Jung Elsässer Bühn privilégie les créations collectives. De 1974 à 1981, trois spectacles seront écrits sous la houlette de Pierre Kretz : de Schambediss, Mer Hoseloddel.

Après l’arrêt de la Jung Elsässer Bühn en 1981, Pierre Kretz continue le théâtre dialectal en parallèle de son activité d’avocat. Avec le théâtre du Lichtenberg (théâtre en plein air dans le cadre du château de Lichtenberg), il conçoit et met en scène sept spectacles dont de Narrehewler (1983), pièce relatant l’histoire du village de 1900 à 1945 à partir des souvenirs collectés auprès de la population. On notera que Pierre Kretz a renoué récemment avec ce thème historique avec la pièce De fameli Strumpfmann (2019) créée pour et jouée au théâtre de Baden-Baden. Pierre Kretz y examine les liens compliqués entre Alsace et Bade par suite de la guerre, ainsi que le choc de la guerre en Algérie à peine une génération après le drame des Malgré-Nous.

A 50 ans, il enlève sa robe d’avocat pour se consacrer entièrement à l’écriture : quatre romans (en français), dont Le gardien des âmes (2009) et Vies dérobées (2018), où il décrit avec finesse les méandres de l’âme alsacienne. Et depuis 2015 plusieurs essais en défense de l’Alsace pour laquelle il milite inlassablement.

Paradoxalement, c’est son œuvre romanesque qui l’amène à son œuvre théâtrale la plus originale. Des passages de son roman Le gardien des âmes sont lus en public en 2008 à la librairie Kléber de Strasbourg par l’acteur Francis Freyburger. C’est le début d’une collaboration suivie qui amène les deux hommes à monter une pièce en dialecte au théâtre Scala de Neudorf, puis à la jouer à Avignon en 2011 avant de partir en tournée. Pierre Kretz écrit ensuite son chef d’oeuvre Ich ben e beesi frau d’abord sous forme de roman avant que Francis Freyburger ne s’en empare et décide de jouer lui-même ce monologue de vieille femme aigrie, chose faite en 2015 au Scala.

Francis Freyburger joue Ich wàrt uf de Theo
Francis Freyburger joue Ich wàrt uf de Theo

Pierre Kretz a commis depuis une autre pièce, Ich wàrt uf de Theo, également un monologue joué par Francis Freyburger sur la scène du Scala et ailleurs en Alsace ces derniers mois.

Et on attend avec impatience son nouveau roman policier à paraitre cet automne dans la collection des « Enquêtes rhénanes » : une intrigue se déroulant dans les mines d’uranium au pied du Haut-Koenigsbourg !

Son discours en alsacien

Au-delà des remerciements d’usage, Pierre Kretz a livré un plaidoyer pour nos parlers alémaniques en rappelant la nécessité de les (ré)ancrer dans la société pour les préserver, sans oublier le rôle de la littérature : „ Ohne Literatur hat eine Sprache keine Zukunft“. Et pourquoi tant d’efforts?   „Die Heimat ist wo eine Muttersprache gesprochen wird“ a rappelé Pierre Kretz en citant Arnold Stadler (Hebelpreis 2010).

Benoît Kuhn, mai 2024 – Remerciements à Albert Weber pour son compte rendu Facebook de la cérémonie, vidéo incluse

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