Dans une circonscription Strasbourg-1 réputée peu alsacienne, qui mêle un centre ville bourgeois voire boboïsé et des quartiers sud populaires, Stéphanie Karmann veut démontrer qu’une proposition de gauche et alsacienne peut être entendue.
Et faire ainsi entendre la voix du jeune mouvement politique Alternative Alsacienne/’s Linke Elsàss fondé en 2020. Régionalistes et de gauche écologiste, telle est leur devise. Une devise qui ne va pas de soi en Alsace où prédomine une gauche jacobine plus des écologistes à contre-courant des valeurs fédéralistes prônées par leur parti EELV au plan national. Pas facile d’exister même si le rapprochement avec la liste écologiste pour les municipales de 2020 à Strasbourg leur a permis d’obtenir un siège de conseiller municipal pour leur co-président Jonathan Herry (Wassila Rahmani étant la co-présidente). Pour Stéphanie Karmann, elle-même trésorière d’Alternative alsacienne, cela leur permet de porter le bilinguisme à Strasbourg avec une feuille de route claire.
Cela n’empêche pas EELV de présenter des candidats contre Stéphanie Karmann et son suppléant l’écrivain Pierre Kretz. En effet, EELV a récupéré cette circonscription Strasbourg 1 dans le cadre de l’accord national avec les Insoumis et y présente ses candidats au nom de la NUPES, la coalition de gauche pour ces législatives. Ils espèrent, sait-on jamais, rééditer l’exploit des municipales 2020 et ravir la circonscription à Alain Fontanel, candidat de la majorité présidentielle.
Stéphanie Karmann, engagée de longue date
54 ans, mère d’un garçon de seize ans, « mosellane de naissance, alsacienne de cœur et strasbourgeoise depuis toute petite », Stéphanie Karmann a un parcours professionnel varié. Une fois obtenu son DUT de biologie appliquée, elle est vite devenue œnologue en passant un diplôme national d’œnologie. Elle a même ouvert une cave à vins il y a 25 ans, à une époque où ce n’était pas encore la mode. Elle s’est ensuite reconvertie dans l’assurance, passant là aussi un diplôme du CNAM (Conservatoire Nationale des Arts et Métiers) en alternance il y a 15 ans. Salariée, elle s’est engagée syndicalement, siégeant au conseil d’administration de la branche assurances de sa société (Generali) et y défendant l’application de notre droit local aux salariés concernés. Elle est depuis retournée à ses premières amours en rejoignant la maison Arthur Metz pour qui elle gère les achats de raisin.
Comme pour beaucoup, son militantisme politique date de 2015 : la loi NOTRe qui fait disparaître la région Alsace lui semble « un vrai problème démocratique, une décision arbitraire ». Stéphanie Karmann s’engage donc au côté d’Andrée Munchenbach et d’Unser Land aux élections départementales de 2015. Sa sensibilité de gauche la fait ensuite participer à la fondation d’un mouvement écologiste et régional qui deviendra Alternative Alsacienne en 2020.
Une candidature de gauche et régionaliste
Pour Stéphanie Karmann, retrouver une région Alsace avec des compétences supplémentaires est juste indispensable pour retrouver un cadre institutionnel normal, dans lequel agir. Et son programme, qu’elle décline quotidiennement sur son compte Facebook « Un jour, une proposition », reprend nombre d’idées de gauche.
Elle veut par exemple défendre les deux jours fériés (vendredi saint et 26 décembre) de notre droit local en les étendant à de nouvelles catégories comme les travailleurs indépendants (ndlr : rappelons que le gouvernement Castex veut au contraire les supprimer pour les fonctionnaires territoriaux en appliquant le même temps de travail annuel que dans le reste de la France). Et elle veut aussi augmenter le SMIC à 1400€ net pour compenser l’inflation, introduire un revenu universel dès 18 ans pour lutter contre la précarité sociale et permettre la retraite à 60 ans en tenant compte de la pénibilité des métiers.
Côté écologie, Stéphanie Karmann fait remarquer que ce printemps a déjà connu chez nous plus de 40 jours de températures au-dessus de la moyenne saisonnière. Comment lutter à l’échelle régionale contre ce réchauffement climatique ? En développant des sources d’énergie, hydrauliques et photovoltaïques, localement. Et en développant l’offre de trains, fret inclus, pour réduire les déplacements en voitures et camions. Elle prône aussi le « zéro net d’artificialisation des sols » en reverdissant des endroits minéralisés pour compenser l’emprise de nouveaux bâtiments. A cet égard, le développement de centre commerciaux comme Shopping Promenade à Reichstett lui semble une aberration : on déshabille le centre-ville pour faire se déplacer les gens jusqu’en grande banlieue. Enfin, les aides agricoles devraient favoriser l’agriculture raisonnée et les petits agriculteurs plutôt que l’agriculture intensive.
Forte de toutes ces idées, Stéphanie Karmann et son équipe arpentent les marchés de cette circonscription Strasbourg 1 pour offrir « fromage et dessert », cad un programme de gauche écologiste avec un supplément d’âme alsacienne. Notons qu’Unser Land soutient cette démarche : c’est la seule circonscription d’Alsace où le parti plutôt de centre droit ne présente pas de candidat et appelle ouvertement à voter Stéphanie Karmann et Pierre Kretz. Pour une fois, les régionalistes s’entendent au lieu de se déchirer !
Benoît Kuhn, 3 juin 2022